Après bien des polémiques et plusieurs réunions marathons, les responsables de la commune de Boumerdès viennent de démontrer encore fois leur vulnérabilité face au pouvoir de l'argent. Dans le long feuilleton qui les a opposé aux promoteurs immobiliers ayant érigé des résidences luxueuses à Foes, ce sont ces derniers qui ont eu le dernier mot en parvenant à arracher deux projets sur les fonds publics d'un montant de six milliards de centimes. Le premier a été lancé la semaine passée en grande pompe en présence du wali et des édiles locaux, suscitant le courroux et l'indignation de nombreux citoyens. Ce projet d'un montant de 33,4 milliards de centimes porte sur le raccordement au réseau d'assainissement de plusieurs promotions immobilières privées longeant la RN24. «Ils vendent des appartements à coups de milliards et l'Etat leur réalise des réseaux d'assainissement et des trottoirs à l'intérieur de leur cité, alors que d'autres quartiers de la commune sont délaissés et dépourvus de tout. Il n'y a qu'en Algérie qu'on voit ça. Nous, à Boukerroucha, n'avons même pas de routes goudronnées. Les fosses septiques se comptent par centaines», tempête un jeune. A Foes, certaines résidences privées sont habitées depuis 2015 sans qu'elles ne soient branchées au collecteur principal des eaux usées, laissant ce liquide pestilentiel couler de part et d'autre de la route à longueur d'année avant de finir dans l'oued Corso et la mer. Même le nouvel hôtel, El Amine, tarde à ouvrir à cause de ce problème, car la structure n'est pas branchée au réseau d'assainissement. Le site symbolise en effet la faiblesse de l'autorité de l'Etat face aux puissants magnats de l'immobilier qui brassent des milliards sans pour autant songer à doter leurs résidences en équipements publics et autres commodités. En effet, il a fallu qu'une pollution survienne à la plage de Corso pour que les responsables locaux ne se rendent compte de leurs erreurs. Ce fut en 217 et au lieu de sévir contre les mis en cause, les autorités leur ont demandé de mettre la main à la poche pour «arrêter ce fléau des égouts à ciel ouvert». L'ex-wali, Madani Fouatih, leur a aussi exigé de contribuer financièrement pour doter leurs cités en commodités nécessaires. Malheureusement, ses instructions sont tombées dans l'oreille d'un sourd. Excepté l'IRS Derriche qui a réalisé des trottoirs et quelques poteaux d'éclairage public devant sa résidence, les autres promoteurs ont préféré attendre en continuant à déverser des eaux fétides sur la voie publique jusqu'à ce que l'Etat règle le problème. Leur stratégie s'est avérée payante puisqu'en plus du projet suscité, l'APC de Boumerdès a dégagé 2,7 milliards de centimes sur le budget primitif de 2020 pour gratifier ces promoteurs avides de gains et peu respectueux des lois de l'urbanisme. Une partie de cette enveloppe financière (1,5 milliard) servira à la réalisation d'un réseau d'assainissement à la cité El Salem. Une cité où les promotions immobilières poussent comme des champignons, y compris sur le lit du oued Tatareg. Le reste de la somme, soit 1,2 milliard, est destiné au suivi du projet lancé il y a quelques jours à Foes. Ces dépenses ont été critiquées par de nombreux citoyens à Boumerdès. Certains évoquent «des pressions», tandis que d'autres parlent de «cadeaux» qui auraient été offerts en échange par de sulfureux hommes d'affaires ayant bâti des fortunes grâce à l'impunité et aux largesses de l'administration locale.