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Serge Planton. Responsable de l'unité de recherche climatique à Météo-France : « Il faut s'attendre à ce que les records de chaleur soient régulièrement battus dans le futur »
La planète n'a jamais eu aussi chaud que lors des six premiers mois de l'année 2010. S'agit-il là de la conséquence directe des changements climatiques ? Cette tendance haussière du mercure persistera-t-elle durant les prochaines années ? Pourquoi ? Il est vrai que le National Climatic Data Center américain a annoncé que la température des 6 premiers mois de 2010 était la plus chaude des périodes de janvier à juin observées depuis 1880. Pour autant, il n'est pas possible d'attribuer cette observation au seul changement climatique d'origine humaine. Le changement climatique lié aux émissions de gaz à effet de serre se situe à une échelle de temps beaucoup plus longue que cette anomalie climatique : les 50 dernières années. Le réchauffement observé au cours des 6 premiers mois de 2010 est aussi pour une partie explicable par un événement, El Niño, qui s'est produit dans le Pacifique pendant la même période et s'est traduit par des températures plus élevées que la moyenne dans le Pacifique équatorial (au centre et à l'est). Cependant, on peut s'attendre à ce que les records de chaleur soient régulièrement battus dans le futur, car la tendance lente au réchauffement se poursuivra à l'échelle, là aussi, d'une cinquantaine d'années et au-delà. La raison de cette tendance au réchauffement est l'accumulation des gaz à effet de serre dans l'atmosphère depuis au moins 150 ans et la poursuite des émissions d'origine humaine du fait de l'utilisation des combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel). Peut-on mettre sur le compte des changements climatiques les incendies qui ravagent actuellement la Russie et les fortes intempéries qui viennent de dévaster des régions entières au Pakistan, en Inde et en Chine ? Là encore, on ne peut pas attribuer ces événements extrêmes au seul changement climatique et, même dans le cas des inondations au Pakistan, peut-être n'a-t-il joué aucun rôle. En effet, dans le cas des très fortes pluies de mousson qui affectent particulièrement les pays que vous citez, rien ne permet d'affirmer qu'elles ne se seraient pas produites du seul fait de la variabilité climatique naturelle. La différence avec les incendies en Russie est que ceux-ci sont pour partie dus à la fois aux températures caniculaires jamais observées avec une telle amplitude sur une durée aussi longue depuis que des mesures régulières sont faites (130 ans) et à des conditions de sécheresse. On peut dans ce cas faire l'hypothèse, qui serait à confirmer, que le risque de forte chaleur a été augmenté à cause du changement climatique comme une étude a montré que c'était le cas pour la canicule de 2003 en Europe de l'Ouest. Comment expliquez-vous que l'on puisse avoir un été caniculaire en Russie et des inondations d'une rare intensité à quelques milliers de kilomètres à peine de là ? La coïncidence d'événements aussi contrastés n'est pas étonnante et fait partie de la variabilité climatique d'une région à l'autre de la planète. Pour revenir au phénomène El Niño – à noter que le climat vient de basculer vers un événement de signe opposé appelé la Niña, après avoir connu un événement El Niño au cours des mois précédents – ses conséquences climatiques peuvent être aussi bien des sécheresses dans certaines régions (Indonésie, Afrique du Sud...), que des pluies très importantes dans d'autres régions (Pérou, Kenya...) ou des températures plus élevées que la moyenne dans d'autres (Alaska, Japon...). Cela montre le caractère, très contrasté parfois, des anomalies climatiques. Le caractère plus inhabituel est ici qu'il s'agit d'événements exceptionnels à fort impact sur les populations. Ces phénomènes climatiques peuvent-ils affecter cette année une région comme la Méditerranée ? Les seules prévisions que l'on sache faire, au-delà de quelques jours, ce sont des prévisions mensuelles ou saisonnières qui n'ont pas un degré de précision suffisant pour pouvoir annoncer un événement climatique extrême de types canicule ou pluie très intense. On ne peut donc pas faire ce type de prévision pour le Bassin méditerranéen. Comment voyez-vous l'évolution (au plan climatique), à moyen et long termes, de la situation en Méditerranée occidentale ? Si on ne peut pas faire de prévision, actuellement, au-delà de la saison et pour des écarts aux moyennes saisonnières seulement, il est par contre possible de simuler des scénarios d'évolution des climats du futur. Ces scénarios sont fondés sur des hypothèses sur la démographie et les évolutions économiques et sociales qui peuvent se traduire en termes d'émission de gaz à effet de serre et, par la suite, en évolution climatique pour le prochain siècle. Toutes ces projections climatiques, indépendamment des incertitudes sur les scénarios socioéconomiques et les incertitudes de la simulation climatique, conduisent au même type de résultat pour la Méditerranée occidentale. La tendance lente au réchauffement dont il était question au début devrait être marquée dans ces régions et s'accompagner d'une aggravation progressive des conditions de sécheresse. Ce qui est le plus difficile à évaluer, c'est l'amplitude de ces évolutions. Mais il apparaît qu'à partir du milieu de ce siècle, les amplitudes des évolutions seraient d'autant plus fortes que les émissions mondiales de gaz à effet de serre des prochaines années seront importantes.