Ironique, paradoxal et parodique à la fois, Conte d'été, le film d'Eric Rohmer a créé une grande sensation au festival de Locarno. Pourtant, c'est une oeuvre qui date de 1996. Tourné à Dinard, sur la côte atlantique, on suit la chronique estivale du jeune Gaspard, crack en mathématiques et musicien talentueux (grand acteur Melvil Poupaud sur lequel repose tout le film) qui espérait passer des vacances tranquilles. Rencontre par hasard de Margot, ethnologue surdouée en verbe haut et fort, rencontre aussi d'une autre jolie fille qui le mène en bateau, sans compter son amie qui doit le rejoindre...Comment Gaspard va t-il s'en sortir de cette galère, ayant promis aux trois filles en même temps un rendez-vous à la même heure... Le brio de Rohmer exerce une fascination sans pareille sur le spectateur et il n' est pas excessif de dire que Conte d'été est un chef d'oeuvre d'humour, de finesse et d'intelligence dans l'analyse des sentiments, des caractères de ses personnages. Sac (cheveux) du cinéaste et peintre turc Tayfur Pirselimoglu est surtout un film sur Istanbul, ses mystères et ses énigmes. Hamd, marchand de perruques solitaire et de santé très fragile, rêve du Brésil en regardant à la télévision des danseuses de samba. Sa boutique est filmée de sorte qu'on ne perd rien de ce qui se passe dans son quartier d'Istanbul. Myriam débarque chez lui pour vendre sa chevelure. Quand il lui coupe ses longs cheveux et qu'elle repart avec l'argent de ce qui fut sa magnifique parure, Hamdi la suit, entre peu a peu dans sa vie. Myriam est devenue pour lui une obsession, une autre énigme de cette ville . A la fois récit énigmatique sur un sacrifice insensé de la part d'une jolie femme et regard d'un peintre sur sa ville, ce film turc a reçu un bon accueil au festival de Locarno. Le film brésilien aussi : Lumière dans les Ténèbres, de Icaro Martins et Helena Ignez. C'est l'histoire d'un bandit célèbre de Sao Paulo, la métropolis brésilienne. Luz Vermelha, le bandit à la lumière rouge, est évoqué ici sous ses deux facettes. Celle du hors-la-loi flambeur qui allume ses cigares avec des billets de 100 dollars,qui roule en décapotable rouge Galaxy, playboy entouré des plus belles femmes, bref un homme à qui tout réussit. Alain Tanner, un ami Et celle du détenu dans la terrible prison de haute sécurité de Sao Paulo qui médite sur sa vie, son destin. Mise en scène très vive, pétillante d'intelligence, à la manière d'une comédie musicale. Mais cependant, c'est un sujet très sérieux : toute la misère du monde, l'injustice, la violence, la corruption concentrées à Sao Paulo. Traitée avec brio, élégance et dérision, cette oeuvre brésilienne est presque digne du grand Glauber Rocha. On aime beaucoup l'humour du film, très proche de l'humour vache à l'algéroise, celui des chroniques et des dessins d'El Watan, Amari, Hic and Co… L'autre soir, sur la Piazza Grande, Alain Tanner a reçu le Pardo d'honneur qui couronne l'ensemble de sa brillante oeuvre. Ami de Boudjemaâ Karèche, Tanner faisait de longs séjours à la cinémathèque d'Alger dans les années 1970-1980 pour présenter La Salamandre,Charles mort ou vif, Les Années Lumière, Dans la Ville Blanche…Ce dernier est son préféré. Il l'a tourné à Lisbonne à un moment où il était très souffrant. « Une bonne santé n'est pas l'idéal pour faire un bon film » dit-il. Tanner a vécu longtemps à Londres parmi le groupe de « Free Cinema », Lindsay Anderson et Karel Reisz, notamment. Il était proche aussi des metteurs en scène de théâtres londoniens surnommés « The Angry Young Men ». De retour en Suisse, Tanner a fait une oeuvre non exempte de colère contre le système capitaliste…Tout comme Noam Chomsky qui est apparu ici dans Article 12-waiking up in a surveillance society, le documentaire de l'Argentin Juan Manuel Biain, pour passer au crible la question du respect de la vie privée menacée par les instruments de surveillance électronique et du non-respect des douze articles de la Charte universelle des droits de l'homme.