Le ministre des Affaires étrangères britannique Dominic Raab a accusé hier la Chine de commettre des «atteintes graves, choquantes aux droits de l'homme» à l'encontre de la minorité ouïghoure dans le Xinjiang, région du nord-ouest chinois. «Il est clair qu'il y a des atteintes graves, choquantes aux droits de l'homme», a déclaré Dominic Raab sur la BBC, relayée par des médias. «C'est profondément, profondément choquant». Au sujet d'informations évoquant des «stérilisations forcées» ou des «camps de rééducation», il a indiqué qu'elles «rappellent quelque chose que nous n'avons pas vu depuis très longtemps, et cela de la part d'un membre de premier plan de la communauté internationale qui veut être pris au sérieux». Et d'ajouter : «Nous voulons une relation sérieuse (avec la Chine) mais nous ne pouvons voir un tel comportement et ne pas le dénoncer». Des experts et des organisations de défense des droits de l'homme accusent Pékin d'avoir fait interner jusqu'à un million de musulmans, principalement d'ethnie ouïghoure, dans des camps de la région au nom de la lutte antiterroriste. Accusations rejetées par Pékin. Le Royaume-Uni a déjà dénoncé comme une violation manifeste de l'autonomie de Hong Kong la loi sur la sécurité nationale imposée par la Chine à l'ancienne colonie britannique, qui prévoit de punir les activités séparatistes, «terroristes», la subversion et les ingérences étrangères dans le territoire autonome chinois. Londres a promis d'étendre les droits à l'immigration, et à terme l'accès à la citoyenneté britannique, pour des millions d'habitants du territoire, une mesure dénoncée par Pékin comme une «ingérence grossière» dans ses affaires intérieures. Début juin, le Premier ministre britannique, Boris Johnson, a déclaré qu'il proposerait à des millions de Hongkongais des passeports et un possible accès à la citoyenneté britannique si Pékin applique la loi controversée. «La Grande-Bretagne ne cherche pas à entraver la montée de la Chine» sur la scène internationale, a-t-il assuré. «La Grande-Bretagne veut seulement que Hong Kong prospère dans le cadre d'un pays, deux systèmes». L'opposition prodémocratie hongkongaise, tout comme Londres, sont contre ce projet de loi, qui à leur avis corrode les libertés du territoire. Le 9 juillet, Washington a décrété des sanctions à l'encontre de plusieurs dirigeants chinois, accusés d'être liés à «de graves atteintes» aux droits de l'homme au Xinjiang. Les visas d'entrée seront désormais refusés à trois responsables et à leurs familles. Selon le secrétaire d'Etat, Mike Pompeo, des «mauvais traitements horribles et systématiques» visent les Ouïghours et d'autres minorités. «La Chine a décidé de prendre des mesures de réciprocité vis-à-vis des organisations et individus américains qui se sont mal comportés sur les questions relatives au Xinjiang», a réagi hier un porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois, Zhao Lijian. «Cette initiative américaine s'ingère gravement dans les affaires intérieures de la Chine (...) et porte gravement atteinte aux relations sino-américaines», a-t-il indiqué lors d'une conférence de presse, sans préciser les noms des individus ciblés par Pékin. Parmi les personnes visées par les sanctions des Etats-Unis, figure Chen Quanguo, principal responsable du Parti communiste chinois (PCC) au Xinjiang. Il est considéré comme l'architecte de la politique sécuritaire de Pékin dans la région. Wang Mingshan, responsable de la sécurité publique du Xinjiang, et Zhu Hailun, ancien responsable du PCC dans la région, sont également visés. Le département américain au Trésor a lui aussi annoncé en parallèle des sanctions économiques contre un quatrième individu : Huo Liujun, ex-responsable de la sécurité du Xinjiang. Contentieux Les déclarations du chef de la diplomatie britannique interviennent alors que le Royaume-Uni a annoncé mardi qu'il allait expurger son réseau 5G de tout équipement produit par le géant chinois Huawei. Londres évoque comme raison le risque pour la sécurité du pays. L'achat de nouveaux équipements Huawei sera interdit après le 31 décembre 2020 et les équipements existants devront être retirés d'ici 2027. «Le meilleur moyen de sécuriser notre réseau est que les opérateurs cessent d'utiliser les équipements Huawei pour construire le futur réseau 5G britannique», a déclaré le ministre chargé de la Culture et du Numérique, Oliver Dowden, à la Chambre des Communes à l'issue d'une réunion du Conseil de sécurité nationale (NSC) présidée par le Premier ministre conservateur Boris Johnson. «Cela n'a pas été une décision facile, mais c'est la bonne pour les réseaux télécoms britanniques, pour notre sécurité nationale et pour notre économie, maintenant comme à long terme», a-t-il ajouté. Samedi, l'ambassadeur de Chine au Royaume-Uni, Liu Xiaoming, a appelé Londres à renoncer à son projet de déployer un porte-avions dans le Pacifique. Il a indiqué qu'une telle opération constitue une «démarche très dangereuse» risquant d'envenimer davantage les relations déjà crispées entre les deux pays. «Après le Brexit, réalisé fin janvier avec la sortie des Britanniques de l'Union européenne (UE), je pense que le Royaume-Uni veut toujours jouer un rôle important dans le monde», a déclaré Liu Xiaoming dans une interview au quotidien The Times, relayée par des médias. «Ce n'est pas la manière de jouer un rôle important», a-t-il ajouté, mettant Londres en garde de ne pas «s'allier avec les Etats-Unis» contre la Chine. Le Times a indiqué cette semaine que le Royaume-Uni envisageait de baser le HMS Queen Elizabeth «en Extrême-Orient» dans le cadre d'une alliance internationale visant à contrer la Chine. Le porte-avions y participerait à des exercices militaires avec le Japon et les Etats-Unis.