Kamel Kabtane, recteur de la Grande Mosquée de Lyon, président fondateur de l'IFCM (Institut français de civilisation musulmane) et Azzedine Gaci, recteur de la mosquée Othmane (Villeurbanne), porte-parole de CTIR (Conseil théologique des imams du Rhône), ont joint leur paraphe à une trentaine de personnalité au bas d'une tribune publiée dans le quotidien Libération pour réagir contre une «haine antimusulmane» dont ils craignent les effets désastreux si elle n'est pas endiguée. Ils souhaitent une commission d'enquête parlementaire sur la haine à l'égard des musulmans. Cette instance aurait «la capacité de dresser un état des lieux indépendant et objectif sur cette forme de racisme, de xénophobie et les moyens de les combattre, en bonne intelligence entre le monde politique, nos institutions républicaines et la société civile. Notre République doit combattre cette forme de radicalisation et de séparatisme sans faille ! L'heure est à l'union nationale sur tous les fronts.» Pour les signataires, «c'est un fait, les musulmanes et musulmans sont quasi exclusivement présentés comme un corps extérieur à la société française, malveillants, par essence, conquérants, cherchant à s'approprier les territoires (géographiques, culturels, politiques) à des fins de captation du pouvoir et d'accomplissement d'un grand dessein religieux. Ces représentations viennent de loin et sont réactivées au gré des crises successives que connaît notre pays, comme celle de la Covid-19. Une simple visibilité est interprétée comme de la conquête, de la défiance ou de la provocation. Quand cette visibilité n'est pas, le soupçon pesant d'être des «infiltrés» persiste. Ainsi qu'il s'agisse d'invasion ou d'infiltration, «l'islamisation» de la France serait en marche avec la complicité des élites mondialisées. Plus que tout, pour corroborer cette vision dégradantes des musulmans, des militants politiques développent le ‘‘mythe de l'islamisation''». Récemment au printemps, comme l'avait rapporté à son tour notre journal El Watan, en plein Covid-19, le groupuscule d'extrême droite, Génération identitaire avait pris pour cible le recteur de la grande mosquée de Lyon, Kamel Kabtane, «en l'assimilant à un terroriste pour avoir permis que se fasse entendre l'appel à la prière musulmane du haut du minaret de la mosquée, en résonance fraternelle avec les sonneries de cloches de toutes les églises et cathédrales catholiques de France qui célébraient la fête de l'Annonciation, en soutien au personnel soignant à l'appel de la conférence des évêques de France». Les signataires de la tribune donnent plusieurs exemples, en France et dans le monde, qui indiquent que les multiples discours réactionnaires à l'encontre des musulmans «conduisent à ce que des groupes se sentent suffisamment soutenus pour passer à l'acte, de leur ‘‘pensée'' (‘‘La France submergée par des musulmans derrière chacun desquels se cache un islamiste'') à des actes sanglants». Les signataires disent leur détermination «à œuvrer pour le bien commun et nous appelons à refonder notre arc républicain, à faire œuvre de résistance face aux semeurs de haine, pour faire vivre les valeurs et principes de notre République». Ils en appellent ainsi aux plus hautes autorités de l'Etat pour mettre hors d'état de nuire ces groupuscules identitaristes, séparatistes qui font de la haine anti-musulmane leur cheval de bataille. Lyon/De notre correspondant Walid Mebarek