La situation sanitaire dans l'ensemble du pays, due à la Covid-19, est malheureusement loin d'être rassurante. Après avoir franchi, le 18 juillet, la barre des 600 cas, suivie d'une baisse sensible et éphémère, les contaminations sont reparties à la hausse pour atteindre en fin de la semaine le nombre de 612. Celui des décès demeure, quant à lui, élevé, 13 ont été enregistrés dans les hôpitaux. Ce qui fait dire aux experts, médecins et personnels soignants, exposés en première ligne dans la lutte contre le coronavirus, que la situation est loin d'être sous contrôle, contrairement à ce qu'on pourrait croire. Bien au contraire, l'approche de l'Aïd El Adha fait craindre un rebond de l'épidémie, donc de nouveaux pics en matière de contaminations et de décès au niveau national, comme ce fut le cas juste après la célébration de l'Aïd El Fitr. Et cela, alors que le pays n'a toujours pas réussi, après quatre mois de confinement, à en sortir de façon non pas irréversible – aucun pays n'est parvenu à le faire – mais d'une manière résiliente, qui pourrait amener les Algériens à vivre avec la Covid-19 comme l'ensemble des habitants de la planète, tant qu'un vaccin n'aura pas été trouvé. D'autant que les informations qui parviennent des wilayas les plus touchées par l'épidémie montrent bien que les structures sanitaires dédiées sont en état de saturation, en proie au manque de moyens divers jusqu'au plus essentiel à la réanimation, à savoir l'oxygène... Dans de telles conditions, il n'est pas étonnant que le personnel soignant mobilisé depuis plus de quatre mois se retrouve au bord du «burn- out», aux conséquences dévastatrices et exprime son «ras-le-bol» à travers plusieurs manifestations symboliques à même les enceintes des hôpitaux, comme à Constantine ou Tizi Ouzou. Ces femmes et ces hommes ont déjà payé un lourd tribut, une cinquantaine d'entre eux sont décédés du coronavirus et plus de 3000 autres ont été contaminés. Mais l'on retiendra pour l'histoire que face à une situation qui est loin d'être maîtrisée, des professeurs en médecine algériens viennent de lancer un appel aux plus hautes autorités du pays afin de prendre les mesures qui s'imposent face aux conséquences que pourrait entraîner la célébration du rituel de l'Aïd El Adha cette année. Ils suggèrent ainsi qu'exceptionnellement, les autorités du pays se prononcent pour l'interdiction de ce rituel dans les conditions sanitaires actuelles. C'est là une question de santé publique. Il y va de la sécurité des Algériens. Les médecins rappellent que pour moins que cela, au milieu des années 1960, le chef de l'Etat de l'époque, en l'occurrence Houari Boumediène, avait décrété une telle mesure conservatoire afin de préserver le cheptel ovin national menacé de disparition. Il est vrai qu'aujourd'hui face aux médecins, il existe un comité des fatwas qui, faisant fi de la gravité de la situation, préfère s'enfermer dans un repli sur lui-même inexplicable à l'égard d'un rituel relevant davantage de la tradition musulmane que du dogme religieux, comme le pèlerinage à La Mecque par exemple. Lequel a été, lui, purement et simplement interdit cette année, en raison de la pandémie, aux musulmans étrangers par les autorités saoudiennes. Sans que personne n'y trouve à redire, que ce soit chez les wahhabites du royaume ou chez leurs admirateurs d'ici et d'ailleurs. Le président Tebboune, qui se dit soucieux de la sécurité et de la santé des Algériens, saura-t-il tenir compte des risques et dangers auxquels ces derniers s'exposent en célébrant un rituel au cours duquel il sera presque impossible pour les Algériens de respecter les fameux gestes barrières et prendre la décision qui s'impose ?