La condamnation à trois ans de prison de notre confrère Khaled Drareni a été ressentie par la corporation et la majorité des citoyens comme une sanction aussi cruelle qu'injuste envers un jeune journaliste talentueux et prometteur. Pour d'aucuns, la justice a eu la main lourde en réponse au président Abdelmadjid Tebboune qui, quelques jours auparavant, avait traité Drareni sans le citer de «khabardji», c'est-à-dire un espion. Il y a tout lieu de croire que le Président a été mal informé par ses principaux collaborateurs sur le cas précis de Khaled Drareni, dont l'oncle paternel est un martyr de la Guerre de Libération nationale. Sur le simple fait qu'il collaborait avec des médias étrangers, il a été «catalogué» d'espion. Un curieux raccourci pour casser la verve du journaliste à couvrir le hirak, lui qui a déjà été interpellé et emprisonné pour avoir exercé son métier. La veille de la tenue de son procès en appel, un rassemblement a été organisé à la Maison de la presse Tahar Djaout, durant lequel des journalistes, des étudiants, de simples citoyens ont clamé que Khaled Drareni «est un journaliste libre et non un »khbardji »». Hier, devant l'ambassade d'Algérie à Paris, à l'appel de l'ONG Reporters sans frontières, de «grosses pointures» de la presse audiovisuelle française se sont rassemblées en solidarité avec notre confrère. A l'image de Gilles Bouleau, Anne-Claire Coudray, Laurent Delahousse ou Daphné Bürki. Selon Christophe Deloir, le secrétaire général de l'ONG, «le pouvoir algérien a voulu faire un exemple pour intimider tous les journalistes algériens». La majorité des observateurs de la scène politique nationale ont le pressentiment que le procès en appel, qui aura lieu aujourd'hui, va permettre à Drareni d'être libéré avec une peine d'emprisonnement réduite. Tous s'accordent à dire que l'affaire Drareni a été contre-productive pour le président Abdelmadjid Tebboune, qui cherche à donner une image rassurante d'un homme qui veut corriger les erreurs du passé à travers une révision de la Constitution, laquelle sera soumise à référendum le 1er novembre prochain, date anniversaire du déclenchement de la Guerre de Libération nationale. Cependant, la libération de notre confrère ne fera pas pour autant disparaître la chape de plomb qui s'est installée sur la scène politique et médiatique, marquée par l'emprisonnement de plusieurs blogueurs pour délit d'opinion et les procès à venir de Karim Tabbou et Samir Benlarbi. El Watan a été ciblé par des attaques multiples pour avoir publié un article sur la fortune des enfants de Gaïd Salah. Aujourd'hui, le journal est privé de la publicité publique (la seule sur le marché) par ceux qui veulent déifier l'ancien chef d'état-major de l'ANP. Ceux qui se sont qualifiés de «novembristes badissistes», slogan qui sonne creux, car sans base idéologique cohérente. La presse a également assisté à un grave dérapage avec la diffusion, par l'agence de presse publique APS, d'une information complètement fausse sur un prétendu rejet de plaintes au niveau de la Commission des droits de l'homme de l'ONU à Genève. L'information aurait été dictée par un des conseillers de la Présidence. L'APS a vite retiré la dépêche de son site. C'est dire tout le mal qui est fait au pays par la faute de certains incompétents et imposteurs. Le président de la République est, dit-on, sur le point d'opérer un grand ménage. S'il en est, qu'il ne tarde pas !