Comme attendu, le projet de révision constitutionnelle a été adopté, jeudi, à une majorité écrasante, par l' Assemblée populaire nationale et hier par le Sénat. Tout avait été ficelé la veille du vote, au cours de la présentation du projet devant les commissions juridiques des deux Chambres par le Premier ministre, Abdelaziz Djerad, accompagné du ministre de la Justice, garde des Sceaux, Belkacem Zeghmati. Les groupes parlementaires des partis de l'ex-alliance présidentielle de Bouteflika – le FLN, le Rnd, le Mpa, Taj –, conviés aux travaux aux côtés d'autres groupes parlementaires qui ne sont pas dans une posture de rejet de la tenue du référendum, se sont mis en ordre de bataille la veille de l'opération de vote pour les ultimes réglages. Ils sont revenus, à l'occasion, sur le devant de la scène politique, ragaillardis, en ayant les faveurs des médias lourds et du prime time du journal télévisé après leur rejet cinglant et sans appel à la faveur de la révolution populaire du 22 Février 2019. Les séances de vote de jeudi, à la Chambre basse et d'hier à la Chambre haute, apparaissent, en cela, comme une simple formalité institutionnelle et constitutionnelle à travers laquelle les parlementaires ont été conviés uniquement à se prononcer sur le projet dans le cadre du «mécanisme du débat restreint» ; un doux euphémisme lexical renvoyant à la procédure de vote sans débat censée être dictée par des circonstances exceptionnelles, ce qui n'est pas le cas. Cette entorse aux dispositions constitutionnelles stipulant dans l'article 208 de la Loi fondamentale que le projet de révision constitutionnelle est voté «en termes identiques et dans les mêmes conditions qu'un texte législatif» a soulevé l'ire des parlementaires de certaines formations politiques se réclamant de l'opposition, qui ont boycotté la séance de vote pour protester contre la procédure retenue. La question se pose de savoir pourquoi a-t-on décidé de faire l'économie du débat parlementaire en plénière sur le projet de révision constitutionnelle ? D'autant que le président de la République s'est personnellement engagé dans une déclaration, lors d'une rencontre avec la presse nationale, à faire de l'opportunité du passage de la mouture du texte devant le Parlement un grand moment de démocratie à travers la retransmission en direct des débats. Serait-ce un geste barrière politique visant à neutraliser l'opposition parlementaire en la privant d'une tribune qui pourrait être utilisée pour court-circuiter le projet de révision constitutionnelle et semer le doute dans l'opinion sur la justesse de la démarche politique du pouvoir ? Qu'en sera-t-il du débat contradictoire lors de la campagne électorale sur le référendum populaire ? Le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Amar Belhimer, a donné le la en annonçant devant les journalistes, à l'Apn, à l'issue du vote, que des débats publics et dans les médias seront organisés dans les tout prochains jours, associant les partis politiques, la société civile, les experts, pour vulgariser le contenu du projet et appeler les citoyens à se rendre massivement aux urnes. Le message vaut aussi, pour les antiréférendum, les partisans du boycott qui voudraient faire entendre leur voix dans le débat public. Tout laisse penser, d'ores et déjà, qu'ils ne seront pas les bienvenus.