Il y a un mois, le chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, a pu arracher l'accord aux partenaires sociaux portant sur le transfert total du financement des allocations familiales (AF) de l'Etat aux employeurs. Si cette mesure même avait été retirée par le président Bouteflika du texte du projet de loi de finances 2005 - où il y était proposé de couper la poire en deux en faisant supporter les charges des AF à moitié pour l'Etat et le reste pour les employeurs -, voilà qu'elle vient d'être adoptée durant la dernière tripartite, début mars dernier. Sa mise en application devra intervenir septembre prochain. Les employeurs publics et privés abordent cette question avec beaucoup d'appréhension. Pourquoi ? L'entreprise aura, en effet, à supporter de la sorte des charges supplémentaires. Certaines d'entre elles ont déjà commencé à se pencher, dans un malaise à peine dissimulé, sur l'évaluation des conséquences de ce transfert. Mais au-delà de cet impact direct, il est judicieux de regarder aussi et surtout du côté de l'emploi. Il apparaît clairement que la question entraînera à coup sûr un surenchérissement du coût du travail. Le prix devait être déjà assez important compte tenu du coût d'une mise à niveau nécessaire de ces entités et donc du coût du maintien même de l'emploi. Qui peut garantir que les entreprises, actuellement déjà en mal de compétitivité et peu enclines à l'investissement susceptible de générer de l'emploi, ne seront pas tentées de jouer au jeu de la dérobade vis-à-vis de la couverture sociale et du fisc ? Le risque est grand de voir de plus en plus d'entreprises verser dans l'informel, ce phénomène qui n'est que trop bien installé aujourd'hui encore. Pour le secteur public, en tant que plus grand employeur en Algérie, les dommages sont déjà bien évidents. Alors qu'ailleurs, dans le privé notamment, qui ne fait plus mystère de son faible niveau de déclarations des salariés à la Sécurité sociale, les retombées sont vite calculées. Le recrutement des chargés de famille sera fait avec d'autant de difficultés que l'employeur devra inévitablement calculer les charges supplémentaires qu'il aura à dépenser pour la prise en charge des AF. Cela peut-être le lit d'une injustice à ne pas souhaiter. Cette nouvelle mesure, qu'il est du reste mal aisé à discuter quant à son principe, suscite cependant des interrogations. Est-elle en somme une option que vient de prendre le gouvernement pour le règlement d'une crise qui mine le système de la Sécurité sociale ? Une éventualité à ne pas écarter si l'on veut bien éviter d'augmenter les taux de cotisation.