La décision prise lors de la dernière tripartite de faire transférer, à partir de septembre prochain, le paiement des allocations familiales de l'Etat aux employeurs - cautionnée, contre toute attente, par le partenaire social et le patronat - repose toute la problématique des charges sociales et patronales et, plus globalement, la question du coût de l'emploi en Algérie. Présenté comme un retour à la règle universelle en la matière, le transfert des allocations familiales (AF) aux employeurs reste toutefois une mesure qui n'est pas sans susciter intérêt peut-être, mais aussi craintes et appréhensions, en tout cas des interrogations, c'est sûr. C'est surtout l'idée de voir ces allocations sortir du système de Sécurité sociale qui fait peur à certains. Le secrétaire général de la Fédération nationale des travailleurs retraités (FNTR), M. Abdelmadjid Azzi, est l'un deux. Pour ce syndicaliste, « il s'agit certes d'un retour à la règle universelle, mais à condition que les prestations familiales réintègrent la Sécurité sociale qui se chargera, comme par le passé, à les servir équitablement aux bénéficiaires ». Pour cela, ajoute-t-il, « les employeurs devront verser une cotisation supplémentaire à la Sécurité sociale, ce qui leur éviterait de céder à la tentation de fixer des critères de recrutement excluant les pères de famille ». Conséquences La réintégration des allocations familiales dans la Sécurité sociale est d'autant plus recommandée, souligne notre interlocuteur, en ce sens que le plus grand employeur reste toujours l'Etat. « 90% des prestations familiales, c'est l'Etat qui les paie. » Du côté des employeurs, le fait de leur imputer le paiement des allocations ne se fera pas sans conséquence. Le cas de la SNVI est à ce sujet illustratif. Le président-directeur général de cette importante entreprise nationale, M. Mokhtar Chehboub, relève à cet effet que « le paiement des AF est une charge supplémentaire qui va devenir une charge fixe qui se répercutera sur le prix de revient du véhicule ». Il se peut également que cette charge en plus, fait-il savoir, « réduise la compétitivité de l'entreprise vis-à-vis des concurrents et des importateurs de véhicules qui ne payent pas des charges ». C'est donc toute la problématique du coût de l'emploi qui est posée à travers la question des charges sociales et, plus précisément, des cotisations sociales des employeurs. Les craintes formulées par nombre d'employeurs algériens, notamment les privés, sont, jugées « non fondées », selon le secrétaire général de la FNTR. Car, fait-il savoir, « les employeurs ne payent en réalité comme cotisations sociales que 25% de la masse salariale. Les travailleurs payent 9%. 1% est prélevé sur les œuvres sociales. Ce qui fait en tout 35% de cotisations qui sont réparties sur différentes caisses sociales : retraite, CNAC, assurance maladies, accidents de travail... ». Même les 25% dont s'acquittent les employeurs sont, nous précise-t-il, « déduits d'impôt ». Ajoutez à cela les avantages fiscaux dont ils sont bénéficiaires, à l'instar du versement forfaitaire qui a été ramené de 6% à 1%, en attendant qu'il disparaisse l'année prochaine. C'est donc autant de charges en moins pour les employeurs, selon M. Azzi, qui estime le coût de l'emploi en Algérie très avantageux comparé à celui des pays européens et voisins. En Tunisie, indique-t-il, « les assurés sociaux ne sont remboursés que pour les seules prestations dispensées par les établissements publics ». Alors qu'au Maroc les assurés sociaux n'ont droit qu'à un pécule fixe. Celui-ci consommé, ils n'ouvrent plus droit à la Sécurité sociale ». En termes d'avantages comparatifs, la différence en matière de régime de Sécurité sociale entre l'Algérie et ses voisins, conclut-il, est « fondamentale ». L'Algérie compte aujourd'hui près de 6 millions d'assurés sociaux, toutes catégories confondues, dont plus de 880 000 à Alger. La capitale regroupe, d'après les chiffres recueillis au niveau de l'Agence centrale CNAS d'Alger, 24 000 employeurs. Pour la seule prestation sociale des AF, les dépenses de la CNAS ont atteint, au titre de l'année 2004, à Alger, 1,9 milliard de dinars contre 2,06 milliards de dinars en 2003. Le nombre des ayants droit pour toutes les prestations sociales est de l'ordre de 3 millions à Alger.