Rien ne semble prédestiner, dans les rapports officiels, l'industrie manufacturière nationale à un avenir radieux. Le secteur subit les contrecoups d'une libéralisation du marché progressive et « bazardée » du fait de l'informel et de la concurrence déloyale. Le produit asiatique, dont la conformité aux normes n'est pas forcément établie, a pris place dans le marché national, bousculant les entreprises publiques, à un degré moindre le privé, qui se plaignent, de fait, de la crispation de leur vente et, par ricochet, du ralentissement de leur outil de production. Vingt filiales publiques employant près de 4500 travailleurs composent ce secteur. Rassemblées sous la coupe du groupe Leather Industry, elles sont toutes considérées, à des degrés différents, financièrement déstructurées et économiquement non rentables. C'est le diagnostic fait par la Société de gestion des participations (SGP) industries manufacturières, propriétaire de ce groupe, sur la base des agrégats de l'exercice 2003. Ses conclusions ne risquent pas d'être remises en cause par les bilans de l'exercice 2004, qui restent encore à finaliser pour la simple raison qu'au niveau de certaines de ces filiales les mesures préconisées n'ont pas encore suivi. Le plan d'activité quinquennal établi par la SGP - et qui court jusqu'à 2007 - souligne un actif net négatif caractérisé par une dette extérieure de près de 565 millions de dinars et une dette bancaire évaluée à 1410 millions de dinars, dont l'écrasante partie représente un découvert bancaire de Districh, qui devait bénéficier, malgré cela, d'un traitement particulier du fait de sa spécialisation dans la distribution. Une fonction jugée stratégique au sein de la filière cuir, dont cinq autres filiales (Macsoum, Macstyle, Emacsig, Mabel et Mactebes) sont jugées « déstructurées et non viables ». Un traitement plus ou moins similaire a été fait pour les deux premières, alors que le reste a été proposé à la fermeture. Le traitement spécifique se traduisait par la suggestion, entre autres mesures, d'« engager rapidement un audit opérationnel et stratégique par un cabinet d'experts afin de se prononcer définitivement sur le maintien, la reconversion ou la fermeture de ces entreprises ». L'étouffement des manufactures de chaussure, de vêtement en cuir et de maroquinerie est expliqué par une somme de contraintes de marché techniques et celles liées aux ressources humaines. La concurrence déloyale évoquée est conjuguée au « vieillissement des gammes et des modèles », à « la faiblesse » des investissements de mise à niveau, du système de gestion de la qualité des produits et du marketing, à « la lourdeur du recours au montage de collections saisonnières », à « la déperdition de la main-d'œuvre qualifiée » et à « l'absence des fonctions de création ». Le secteur qui manque aussi de « centres de formation dans la création et le stylisme » exprime, selon la SGP, le besoin d'une prise en charge de ces insuffisances, mais aussi de la recherche du partenariat et de la sous-traitance. Sept autres filiales, par contre, sont considérées « économiquement viables et financièrement saines ». THP, Tafna, Taj, Mega, MVL, Socop et Synset présentaient, pour l'exercice 2003, des cash-flows positifs. Elles devaient faire l'objet de mesures d'accompagnement, pour certaines, de la part des banques dans leurs programmes de renouvellement de l'outil de production. Le plan d'actions avait également préconisé en juillet dernier, outre la cession de tous les excédents de terrains et bâtiments, l'interdiction de l'exportation des peaux brutes dans l'objectif d'optimiser l'outil de production des tanneries. La même nécessité d'un accompagnement externe de la part des banques et du Trésor a été soulignée pour six autres entreprises « redressables » (A. Footwear, Mahira, Smak, Emirshoes, Macvil et Macs). La tannerie Tameg s'est lancée, quant à elle, en 2004, dans un processus de partenariat qui lui a valu un repositionnement positif sur la liste des filiales du groupe. Ce n'est pas le cas de certaines filiales « lanternes rouges » menacées de fermeture et qui contestent les chiffres avancés, à l'exemple de Macsoum, qui défend « sa bonne santé économique ». Ex-Sonipec (1979), puis Emac, avant de passer au statut de SPA en 1998, cette société est basée dans la zone industrielle d'Akbou et emploie aujourd'hui un peu moins de 700 travailleurs pour une production de près de 3000 paires de chaussures de combat et de sécurité par jour. A Macsoum, on estime avoir redressé la barre à la faveur d'un plan déclenché pour la période 2004-2007 et l'on se suffit aux résultats de l'exercice 2004 pour le soutenir : un chiffre d'affaires de près de 400 millions de dinars et 500 000 paires de chaussures vendues. L'entreprise, qui a été accompagnée par la banque, défend sa « solvabilité », la diversité de sa gamme de produits avec l'introduction pour la première fois dans le marché national des chaussures pour diabétique et le renforcement de son outil de production avec l'acquisition d'un investissement Good Year. Une créance de 1,6 milliard de centimes en litige avec la Libye reste toujours à recouvrer.