Après moins d'une année d'application, «la feuille de route» fixée par la plus haute hiérarchie militaire, dans le sillage du hirak, a montré ses premières limites, et non des moindres. D'abord, à travers le «vide institutionnel», né de l'absence et la maladie du président de la République depuis bientôt trois semaines. Et ensuite par le fiasco du référendum pour la révision de la Constitution. Référendum qui avait pour ambition, dans l'esprit des promoteurs de ce plan de «sortie de crise», de combler un certain déficit de légitimité qui a entaché l'élection présidentielle du 12 décembre dernier, premier point de la démarche présentée par l'ancien chef d'état-major de l'armée avec l'application du fameux article 102 de la Constitution. Loin d'être le plébiscite populaire espéré et attendu par les détenteurs du «pouvoir réel», la consultation électorale du 1er novembre a été «boudée» par plus de 70% des Algériens ! Jamais une élection n'aura suscité aussi peu d'intérêt depuis l'indépendance. Autant d'événements qui n'incitent pas du tout à l'optimisme, bien au contraire. C'est bel et bien une période lourde d'incertitudes et d'interrogations qui s'est ouverte devant les Algériens, en dépit des propos rassurants tenus – non sans avoir salué le caractère béni du hirak – par le chef de l'Etat, Abdelmadjid Tebboune, depuis son investiture, promettant à tous une «nouvelle Algérie». Alors que parallèlement, le mouvement populaire était l'objet d'une répression en bonne et due forme. Harcèlement judiciaire d'activistes, emprisonnement de militants des droits de l'homme, de cyberactivistes, condamnation de journalistes à de lourdes peines, à l'instar de Khaled Drareni, correspondant de France 24 en Algérie, condamné à trois ans de prison ferme par une justice aux ordres, ou encore de Abdellah Benaoum dont les jours sont comptés du fait des conditions inhumaines de sa détention... Totalement autiste aux multiples appels à prendre des mesures d'apaisement et à manifester une politique d'ouverture et de dialogue en direction des différents partis de l'opposition, le pouvoir a persisté dans son déni de la crise et de la défiance des gouvernés en leurs gouvernants. Très vite, le désenchantement, la désillusion ont pris le dessus et sont devenus la chose la plus partagée par une majorité d'Algériens convaincus qu'on avait peut-être changé de régime – celui de Bouteflika ayant cédé la place à celui de Abdelmadjid Tebboune – mais que le système et ses pratiques autoritaires sont malheureusement toujours en place. Parce qu'il appelle à une rupture avec l'ordre ancien, le peuple est toujours exclu du processus de transformation par les détenteurs du pouvoir réel. Mais toujours est-il qu'après deux semaines d'hospitalisation, l'absence prolongée du président de la République ne fait qu'aggraver cette situation pleine d'incertitudes sur fond de pandémie de coronavirus. C'est l'avenir des institutions qui est en jeu face aux pires scenarii. Il est sans doute temps pour les détenteurs du pouvoir réel de changer de paradigme et ne plus tourner le dos à la volonté populaire de rupture avec tout ce qui symbolise l'autoritarisme et l'exclusion. Advertisements