Le pays s'engage-t-il enfin sur la voie dans un véritable Etat de droit ? C'est la question que tout le monde se pose après l'acquittement, par le tribunal militaire de Blida, de Louisa Hanoune, des généraux Mohamed Mediène, dit Toufik, et Bachir Tartag, et de Saïd Bouteflika, condamnés à de lourdes peines en première instance pour «complot contre l'Etat et l'armée». Me Miloud Brahimi, constitué dans cette affaire, n'a pas caché sa satisfaction devant ce verdict, y voyant une grande avancée en matière de droit. Cependant, a-t-il ajouté, «il ne peut y avoir de nouvelle Algérie et une nouvelle justice». La décision du tribunal militaire devrait inspirer la justice civile ! De toute évidence, elle fera date. Jusqu'à ce jour, la justice a été rendue de façon sélective. Les Algériens, particulièrement les citoyens lambda, connaissent bien le système judiciaire et ne manquent pas de s'en plaindre, à tort ou à raison. Depuis l'indépendance, tous les décideurs qui se sont succédé avaient pris l'engagement d'instaurer une justice authentique. Liamine Zeroual, par exemple, ne cessait de dire que la justice est l'épine dorsale d'un véritable Etat, parce qu'il avait découvert une situation qui ne répondait guère aux aspirations des citoyens, lesquels doutaient de leurs dirigeants et ne croyaient plus en eux. Abdelaziz Bouteflika avait détruit le peu de crédibilité qui restait encore, son frère Saïd était devenu l'exécutant de ses désirs et des basses œuvres qui ont mis l'Etat à genoux. Le «président-bis», comme on l'appelle, se comportait comme si l'Algérie était une propriété privée appartenant à un clan. Il se rendait, par exemple, chez Tayeb Louh à son domicile, lorsque ce dernier était ministre de la Justice, avec lequel il décidait qui devait être mis en prison et qui devait être libéré. Même scénario lorsque Tayeb Belaïz était à ce poste. L'Etat de non-droit était devenu tel, que ce dernier a occupé un appartement de fonction du ministère de la Justice et qu'il refuse jusqu'à ce jour de le quitter. La gestion de Bouteflika a été marquée par des injustices graves. Des hommes ont été embastillés sans preuve. Le cas le plus terrible a été celui du général Hocine Benhadid. Emprisonné sans raison valable, on avait l'impression que décision a été prise de le laisser mourir à petit feu dans une chambre-cellule de l'hôpital Mustapha, presque sans soins. L'injustice a été réparée, mais le moudjahid gardera des séquelles à vie. Avec le dernier jugement du tribunal de Blida, il faut espérer que l'ère de la «hogra» est enfin révolue. On le saura avec certitude lorsque nous verrons les détenus d'opinion retrouver la liberté, lorsque le discours du hirak ne sera pas considéré comme subversif, lorsque défiler avec le drapeau amazigh ne sera pas vu comme un acte hostile mais comme l'expression d'une juste et belle revendication identitaire. L'absence du président Tebboune a quelque peu perturbé le fonctionnement des institutions. Maintenant qu'il est de retour à la tête de l'Etat, on attend que le «hirak béni», pour reprendre son expression, devienne une réalité pour tous les citoyens. Advertisements