Le problème des liquidités semble perdurer au-delà de ce qui a été escompté. Certes, ce problème surgissait par le passé épisodiquement, mais trouvait sa solution au cours de quelques semaines. Il semble aussi plus problématique que chez nos voisins. En fait, c'est la conjonction de nombreux facteurs qui a créé cet épisode difficile du fait de l'interaction entre les facteurs d'ordre monétaire et les aspects liés à la psychologie de masse des citoyens. Ce n'est pas un phénomène d'une grande simplicité. D'ailleurs, si c'était le cas, il y a longtemps qu'on aurait trouvé la solution idoine. Nous avons eu des analyses et des recommandations parfois contradictoires sur le phénomène. Il ne faut pas s'en étonner. Des économistes voient le problème sous des angles différents : profiter du règlement du problème pour relancer la machine économique, alléger le quotidien des citoyens et le reste. Les citoyens non économistes doivent savoir quelque chose de fondamental sur les phénomènes économiques. Lorsqu'on a un problème de ce genre, il n'y a pas de solution unique. Il y a plusieurs alternatives possibles. Nous ne sommes pas en sciences hard où on peut disposer de la meilleure solution possible du moment et parfois elle dépendrait également du coût que l'on peut supporter. En économie, il faut identifier les pistes de solutions possibles et choisir celle qui nous semble être meilleure en termes de coût/qualité. Il ne faudrait donc pas s'étonner que plusieurs économistes préconisent des solutions différentes. Et même certaines peuvent être des solutions concurrentes qui fonctionnent en parallèle ou conjointement. Il faut seulement éviter de fournir des recommandations qui ne fonctionnent pas du tout ou qui risquent de créer des maux plus graves encore. Les causes : Une série de maux conjoints L'année 2020 a été catastrophique pour tous les pays de la planète. L'économie mondiale a été terrassée et probablement la chute de la production mondiale serait supérieure à 5%. Seuls quelques pays comme la Chine et la Corée du Sud vont connaître une croissance très affaiblie. On espère que 2021 sera meilleure pour tous. Mais en Algérie, nous avons subi deux gros chocs en même temps. En premier lieu, la chute des prix des hydrocarbures sur les marchés internationaux. Nous n'allons pas décrire les péripéties mais une chute des revenus chez nous va induire moins de possibilités pour la Banque centrale de créer de la monnaie à injecter dans l'économie via les banques ou le Trésor. Ce n'est qu'une partie de la problématique, mais ceci n'explique pas tous les mécanismes qui ont conduit à une détérioration de la situation des liquidités dans tout le pays. Une baisse aussi drastique des revenus d'un pays qui dépend à plus de 95% de ses ressources extérieures ne peut pas laisser l'économie fonctionner sans conséquences. Le second facteur est la situation due à la Covid comme pour tous les pays de la planète. Des centaines de milliers de PME ont fonctionné au ralenti et ont subi des pertes de chiffres d'affaires allant jusqu'à plus de 80% pour certains comme les restaurateurs, les artistes et les transporteurs. Nous devons réfléchir à la mise en place d'une assurance activité pour éviter de telles conséquences désastreuses sur nos citoyens dans le futur. Mais c'est un débat qui aura lieu plus tard lorsque la situation va se normaliser. Les ressources des entreprises publiques et privées ont été largement affectées par ce choc imprévisible (sauf pour les meilleures entreprises qui ont des scénarios catastrophes avec des méthodologies de riposte). Les dépôts des citoyens au niveau des banques et des bureaux de poste ont été laminés, conséquence de la baisse drastique des revenus. Les ressources ne suffisent pas, ils se voient contraints de retirer les économies qui ont été placées auparavant. Les entreprises devaient quand même payer des salaires, elles ont donc puisé dans leur épargne passée. Quelles ripostes sont salutaires ? En troisième lieu, les citoyens craignant que la situation va perdurer ont aussi évité de déposer leurs revenus et constatant le problème du manque de liquidités, ils se sont empressés de retirer leurs avoirs en banque, situation tout à fait normale face à un problème de retrait de leurs avoirs. Plusieurs autres mécanismes sont en jeu, mais nous avons là les principaux. La solution à éviter est celle qui stipule le changement de monnaie. Nous allons créer d'énormes problèmes sans en solutionner aucun. Cette situation est connue par les spécialistes de l'économie monétaire. Il s'agit d'une baisse de la vitesse de circulation de la monnaie due à des chocs économiques et à des considérations psychologiques (peur de ne pas disposer de sa monnaie). Ceci est combiné à un problème de stagnation ou baisse de la base monétaire. Si on avait une économie où la monnaie électronique constituait 80% ou plus des transactions, on aurait moins de problèmes. Donc, dans le futur, il faut accélérer le processus de fonctionnement avec plus de transactions électroniques. Nos spécialistes de la Banque centrale savent comment alléger techniquement ce problème : réduire le taux interbancaire et le taux de réserve légale (excuses pour les citoyens non économistes). Sauf que dans notre cas, cela ne suffit pas. Les dinars en circulation sont de moins en moins utilisés et le pays souffre d'une grave récession économique. Cette année, on prévoit une chute de la production nationale d'à peu près 6% ou plus. Dans ce cas, la Banque centrale doit mettre les liquidités à la disposition du pays autant que nécessaire pour assurer la reprise. Les crédits bancaires doivent injecter des ressources pour booster l'économie productive et la Banque centrale doit prêter autant que nécessaire aux institutions financières afin d'éviter cet état de fait et préparer la sortie de récession. Bien sûr, la Banque centrale ne peut rien faire contre la stagnation de la productivité. Elle peut assurer les liquidités nécessaires, mais elle ne peut rien pour faire en sorte qu'à moyen terme l'économie utilise ces ressources efficacement et dégage des surplus pour les remboursements. Mais pour le moment, la seule solution c'est la mise à dispositions de crédits aux institutions financières pour résoudre ce problème. La diminution des dépôts a réduit considérablement la masse monétaire, donc la Banque d'Algérie se voit contrainte d'accroître sa base monétaire du moins momentanément jusqu'à un retour normal de la situation. Le sempiternel problème du marché parallèle est peu pertinent à la problématique actuelle. Mais il est de la responsabilité de la Banque d'Algérie de faire en sorte qu'il n'y ait pas de chute de la masse monétaire qui va aggraver la récession. L'une des plus grandes contributions économiques de Milton Friedman a été de démontrer que la crise de 1929 a été fortement causée et aggravée par la Banque centrale américaine (Fed) pour avoir laissé la masse monétaire baisser de plus de 30%. Ne faisions pas une erreur pareille aujourd'hui.
Par Abdelhak Lamiri PH. D. Insim Sup Advertisements