Après deux premières tentatives présidentielles ratées, une campagne agressive secouée par la pandémie et une victoire assombrie par les allégations, sans fondement, de fraude lancées par son rival républicain, Joe Biden accomplira demain mercredi son rêve : pousser à nouveau les portes de la Maison-Blanche. C'est en accusant Donald Trump d'avoir cautionné des violences d'extrême droite que Joe Biden était entré dans la course à la Maison- Blanche, avec la promesse de livrer «bataille pour l'âme» de l'Amérique.A 78 ans, le vieux lion de la politique, à la vie marquée par les tragédies, va désormais devoir mettre son image de rassembleur à l'épreuve d'un pays déjà profondément divisé, et maintenant bouleversé par l'assaut meurtrier du Capitole. Après deux premières tentatives présidentielles ratées, une campagne agressive secouée par la pandémie et une victoire assombrie par les allégations, sans fondement, de fraude lancées par son rival républicain, Joe Biden accomplira mercredi son rêve : pousser à nouveau les portes de la Maison-Blanche, cette fois dans les habits de président. Déjà, il peut revendiquer sa place dans les livres d'histoire comme l'homme qui a fait tomber Donald Trump. Depuis l'annonce de sa candidature, en 2019, jusqu'à son investiture mercredi, l'ancien vice-président de Barack Obama aura tout fait pour incarner cette unité et ce retour au calme qu'il promet après le tempétueux républicain, qu'il accuse d'avoir «déchiré» les Américains. Mais entre-temps, les divisions déjà béantes se sont creusées. Après les violences du Capitole et face au lourd bilan de la pandémie, celui qui deviendra le 20 janvier le plus vieux président des Etats-Unis plaide encore pour le rassemblement. «Nous nous en sortirons ensemble», promet le démocrate. «Mais nous ne pouvons pas le faire dans un pays séparé, divisé», martèle-t-il. «La seule façon de le faire, c'est de se rassembler en tant qu'Américains, en tant que voisins, en tant qu'Etats-Unis d'Amérique.» Empathie et gaffes C'est dans un brusque passage du triomphe à la douleur qu'il démarre, à seulement 29 ans, sa carrière nationale. Tout juste élu sénateur du Delaware, il fête, fringant et entouré de sa famille radieuse, sa victoire en novembre 1972. Un mois plus tard, son épouse et sa fille d'un an sont tuées dans un accident de voiture, ses deux fils blessés. Ce drame, puis la perte de son fils aîné en 2015, nourrissent l'empathie qu'il offre aux Américains. La compassion, Joe Biden en a fait l'un de ses plus célèbres traits de caractère politique. En 2021, le port altier de ses débuts est toujours là et les grandes envolées passionnées aussi. Mais le vieux routier de la politique ne remplit plus ses costumes bien taillés comme à ses grandes heures. Debout, ses jambes semblent désormais fragiles. Et sa chevelure blanche clairsemée cache mal son crâne. Certains, même parmi ses soutiens, craignaient que Joe Biden, enclin aux gaffes et dérapages, ne trébuche, voire s'effondre, lors de sa longue bataille contre Donald Trump, tribun de 74 ans au style plus agressif. La Covid-19, qui a brusquement paralysé la campagne en mars, l'a privé de l'un de ses atouts: le contact direct avec les électeurs. S'il a repris à partir de fin août un rythme plus soutenu de déplacements, son respect strict des consignes sanitaires a largement bridé sa présence sur le terrain. Et, selon ses détracteurs, lui a aussi permis de réduire les prises de parole et les questions de la presse à leur portion congrue, minimisant les imprévus. Donald Trump le surnommait «Joe l'Endormi», avant de taire son nom en niant sa victoire. Il a raillé les questions «faites pour un enfant» posées par les journalistes au candidat démocrate, tout en l'attaquant sur sa forme physique et mentale. Les bredouillements et égarements de Joe Biden, bègue dans son enfance, tournent en boucle chez les trumpistes. Et l'entourage du milliardaire, comme ses partisans, décrivent carrément leur adversaire comme un vieillard sénile. Difficile de voir, dans ces circonstances, comment sa «main tendue» pourrait être bien reçue. Retour historique Mais Joe Biden a déjà fait mentir les pronostics. Au printemps 2020, il avait signé une remontée historique en politique américaine en décrochant une victoire triomphante à la primaire démocrate. Jugé par certains trop vieux, trop centriste, il avait encaissé trois premiers échecs cuisants, avant de remporter une large majorité en Caroline du Sud grâce aux suffrages des électeurs afro-américains, pierre angulaire pour tout démocrate briguant la Maison-Blanche. Fort de ce succès, le candidat avait rallié rapidement les soutiens des autres modérés, puis battu son grand rival Bernie Sanders. Contrairement à l'âpre et longue bataille de 2016 entre ce dernier, socialiste auto-proclamé, et Hillary Clinton, Joe Biden avait réussi à vite rassembler l'aile gauche du parti, animée par un même objectif : battre Donald Trump. Reste à voir si le président modéré parviendra à tenir ses troupes une fois installé dans le Bureau ovale. Même si Joe Biden a fait campagne, selon les mots de Barack Obama, avec le «programme le plus progressiste» de l'histoire américaine, certains à gauche le trouvent encore trop tiède. Et grincent quand il parle de reprendre le dialogue avec les républicains. 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