L'association Foggaret Armoul de Tamentit, wilaya d'Adrar, vient de lancer une SOS pour accélérer une intervention directe en amont de cet ouvrage hydraulique ancestral, l'un des derniers de la région, qui s'est asséché depuis plus de deux semaines suite à l'effondrement successif de quatre de ses puits situés en zone périurbaine, située à 5 km. Cette situation désolante a conduit au blocage du cours d'eau, un manque d'accès à l'eau à l'oasis attenante avec un risque accru de salinisation des sols et d'asphyxie de la végétation. Pour Salah Eddine Abdelkhalek, vice-président de l'association «si la palmeraie souffre de sécheresse, les conséquences peuvent être désastreuses pour le palmier et le couvert végétal et tout l'écosystème oasien s'écroule cédant le pas aux feux». La sonnette d'alarme a été tirée par Sidi Boubakeur Seddiki, président de l'association Foggaret Armoul qui a mis en place une cellule de crise pour gérer la situation, multipliant les appels à la solidarité sur les réseaux sociaux ainsi que les écrits et rappels aux autorités pour susciter une action d'urgence qui tarde à être mise en place. Malgré la prise de conscience de la gravité de la situation, l'impact peut être irréversible sur la palmeraie et le jardin d'Oughenam et compromettre les efforts des bénévoles qui ont œuvré l'été durant à curer et restaurer d'importants pans de la foggara mettant à profit leur temps libre à cause de la pandémie Covid-19. Reçus mardi par le wali d'Adrar en présence du chef de daïra de Tamentit, située à 12 km du sud du chef-lieu de la wilaya, les membres de l'association ont demandé l'accord d'une enveloppe d'urgence et la mise à disposition de moyens d'intervention hydraulique en amont de la foggara afin de remettre en état les puits détériorés dans le respect du savoir-faire local. Munis de Hammarate, une sorte d'ustensile en cuivre servant de support aux cordes et bidons, trois intervenants descendent dans les galeries souterraines pour reconstruire les parois des puits par ces temps de froids. L'entretien des galeries souterraines se fait généralement en été, quand les températures sont plus propices et le contact avec les eaux souterraines moins rude grâce aussi à la main forte des anciens de la palmeraies qui soutiennent à fond ce projet de développement durable qui vise la sauvegarde de la foggara d'Armoul et le patrimoine l'entourant dans des conditions difficiles, ponctuées par le tarissement des puits du fait de l'agriculture intensive dans la wilaya d'Adrar. Cette situation affecte fortement les cultures vivrières des familles pratiquant encore une agriculture saharienne oasienne étagée, basée sur le palmier dattier, l'arboriculture et des cultures maraîchères et condimentaires aux pieds des palmiers et des arbres fruitiers, le débit de la foggara étant le principal facteur de l'économie locale. Alors qu'un nouveau rendez-vous a été pris pour mercredi afin de cerner le plan d'action d'urgence avec les services concernés de la daïra de Tamentit, une équipe de bénévoles de l'association poursuit depuis quatre jours ses interventions à l'intérieur des puits par ses capacités propres et limitées à solutionner ce problème depuis l'incident, tout en adressant des demandes d'intervention à toutes les instances concernées afin de sauver cet héritage culturel. Il est à noter que l'estuaire d'El Qasry El Waha est considéré comme une destination touristique de premier ordre, que des milliers de touristes visitent chaque année lors de belles promenades guidées à la découverte des secrets de cet héritage séculaire témoignant de l'ingéniosité locale du partage de l'eau. Mais depuis que l'estuaire s'est desséché, toutes les visites prévues ont été annulées, au grand dam de la population qui croit très fort au projet de réhabilitation de la foggara et son impact socioéconomique. Le mois d'août dernier a vu, en effet, un remarquable élan de solidarité dans le cadre d'une campagne de Touiza qui a regroupé des dizaines de jeunes bénévoles qui ont fait une collecte de fonds pour l'achat du matériel et mobilisé la population autour d'une opération collective de plusieurs semaines. Soucieuse de protéger le patrimoine écologique de la région, l'association de Foggaret Armoul œuvre ainsi à la réhabilitation des vieux palmiers et à la construction d'une maison traditionnelle témoin qui devait donner naissance au premier projet éco-touristique de ce groupe de jeunes dans le but est de dynamiser l'activité socio-économique de la région par la valorisation de son patrimoine naturel, notamment ornithologique, mais aussi l'artisanat local, notamment la vannerie à base de sous-produits du palmier dattier, la tapisserie et la poterie noire spécifique à la région du ksar de Tamentit. Pour comprendre l'urgence de la situation, il est nécessaire d'assimiler l'importance économique et culturelle de la foggara en tant que réseau de distribution de l'eau, constitué notamment de canaux et de galeries souterraines creusés dans le grès. Bien que le système soit considéré comme la propriété des copropriétaires, l'ensemble de la population de chaque village a libre accès à l'eau à usage domestique. En retour, elle doit contribuer au maintien du système, la propriété foncière étant d'une importance minime par rapport aux droits à l'eau attachés à la terre, c'est une lutte acharnée que livre aussi un groupe de jeunes de l'Oasis contre la baisse du niveau de la foggara dans le site de Tamentit et Sid Ahmed Timmi, classé Ramsar en 2001. A l'époque de la classification, la diversité biologique de Tamentit a été jugée «très intéressante» avec 25 variétés de palmiers dattiers dont 2 résistantes au Fusarium oxysporum, cultivars sahariens locaux et un capital génétique important et diversifié, d'où la préconisation de mesures conservatoires pour éviter toute déperdition et érosion génétique de ces races et variétés locales. Tamentit comptait 366 foggaras sur les 572 historiques recensées en 1963 dans cette région totalisant une longueur de 1377 km historiques. Parmi elles, 74 ont longtemps survécu et seulement 24 étaient exploitées, il y a cinq ans à peine. Foggaret Armoul est l'une des dernières d'une série de foggaras taries, d'où les craintes de l'association. A souligner que la foggara combine un premier puits qui forme la source qui atteint une profondeur d'environ 30 m, puis le canal qui amène l'eau de ce puits, d'un diamètre de plus de 60 cm, pour permettre le passage d'un être humain en position courbée. Le canal traverse un groupe continu de puits séquencés d'une distance de dix mètres entre chacun pouvant aller jusqu'à 15 km. Ce système permet l'accès humain au canal afin d'entretenir et éliminer tout ce qui empêche l'écoulement de l'eau dans la foggara par l'action de la gravité, de la source à l'embouchure, qui apparaît à la surface de la terre sous forme d'un canal métallique appelé Akesri qui se déverse dans un autre canal ouvert appelé sakia qui, à son tour, donne sur un bassin peu profond appelé El Qasri, de forme triangulaire. Le bord de sa base est formé de parties divisées par un calcul précis qui rend la quantité d'eau qui traverse chaque trou égale à la quantité proportionnelle à la contribution de chaque individu au financement de la réalisation de la foggara grâce à une mesure spéciale pour dessiner les trous et distribuer l'eau appelée halafa, une sorte d'instrument troué comprenant les divisions existantes selon le grain, la moitié du grain, et le carat qui permettent de réguler et quantifier la distribution de l'eau vers les vergers par des canaux à la surface de la terre, qui s'écoulent de façon gravitaire. Advertisements