La Covid-19 ne peut être évoquée comme motif légal par le gouvernement français pour interrompre la délivrance des visas dans le cadre du regroupement familial. Le juge des référés du Conseil d'Etat donne raison aux plaignants. Suspendre par simple instruction ministérielle les liens familiaux pour cause de pandémie n'est juridiquement pas recevable. En conséquent, le Conseil d'Etat a cassé, le 20 janvier 2021, la décision du gouvernement d'interrompre la délivrance de visas de regroupement familial aux conjoints et enfants d'étrangers non-européens résidant en France. La juridiction précise que «ni le Premier Ministre ni le ministre de l'intérieur n'étaient compétents pour interdire, par voie d'instruction, aux ressortissants disposant d'une autorisation de regroupement familial d'entrer sur le territoire français en l'absence de toute disposition réglementaire du droit de l'Union ou du droit national en ce sens». Dans le cadre de la lutte contre la Covid-19, rappelle la juridiction, le Premier Ministre avait décidé, il y a dix-mois, le 18 mars 2020, de limiter la circulation sur le territoire national des personnes en provenance de l'étranger. Si, depuis cette date, les conjoints et enfants de citoyens français ou européens peuvent toujours entrer en France pour les rejoindre, les membres de la famille des ressortissants d'autres nationalités résidant en France ne le peuvent plus, sauf à de rares exceptions. Seule exigence : les mesures de depistage virologique Contredisant le gouvernement, l'ordonnance du juge du Conseil d'Etat, saisi en référé par des plaignants indique que pour entrer sur le sol français « des mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de la Covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, se bornent à exiger un test de dépistage virologique négatif de moins de 72 heures avec la possibilité, à défaut, pour les personnes en provenance de la plupart des pays, que ce test soit réalisé à l'arrivée à l'aéroport». La juridiction soutient que d'autres mesures administratives contraignantes portent «une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale normale et à l'intérêt supérieur de l'enfant», droit garanti par «l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant». Le juge des référés du Conseil d'Etat écrit dans la conclusion d'un communiqué de presse qu' «il existe un doute sérieux sur la légalité de la mesure en cause». Sachant, soutient l'ordonnance, qu'il n'y a pas «de dispositions réglementaires publiées prévoyant une interdiction générale de déplacement ou d'entrée sur le territoire, sauf motif personnel ou familial impérieux permettant d'y déroger». «En temps normal, 60 personnes par jour» L'ordonnance du juge a donc donné raison à la Cimade, l'Association des avocats pour la défense du droit des étrangers (ADDE), le Groupe d'information et de soutien aux immigrés (Gisti), l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT France), l'association JRS France, la Ligue des droits de l'Homme, le Groupe accueil et solidarité (GAS), l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE) ainsi qu'à des particuliers : «Le juge des référés relève que le nombre des personnes bénéficiant du regroupement familial équivaut en temps normal à 60 personnes par jour. L'administration n'apporte pas d'élément montrant qu'un tel flux pourrait contribuer de manière significative à une augmentation du risque de propagation de la Covid-19, alors que les mesures récemment renforcées de dépistage et d'isolement, pour faire face à l'apparition des nouveaux ‘‘variants'', peuvent être appliquées aux intéressés comme aux personnes bénéficiant déjà d'une dérogation leur permettant d'entrer sur le territoire». Malgré tout, si les familles peuvent de nouveau faire valoir leurs demandes de visas, la contrainte de la réduction ou de la suppression des vols éloigne ou complique, selon les pays d'origine, les regroupements familiaux. C'est clairement le cas pour les ressortissants algériens. Advertisements