L'annonce de la visite prochaine en Algérie (21-22 février) du président de la FIFA, Gianni Infantino, a fait débat et a divisé l'opinion. C'est la seconde fois dans l'histoire qu'un dignitaire du football continental (la CAF) et la FIFA annule sa visite programmée et confirmée à Alger. En 1998 déjà, Issa Hayatou avait annulé sa visite à la dernière minute, alors qu'il était attendu à l'aéroport Houari Boumediène d'Alger par les responsables du MJS et de la FAF. Trente-trois ans après, le même scénario se reproduit. Ce camouflet dérange et divise. Il y a ceux qui saluent le «geste» du patron de l'instance faîtière et d'autres qui s'interrogent sur les motivations de cette annulation. Faut-il rappeler qu'une double échéance électorale, assemblée générale ordinaire et élective de la FAF, se profile à l'horizon avec un sérieux différend entre la tutelle, le ministère de la Jeunesse et des Sports (MJS) et la Fédération qui porte sur le projet d'amendement des nouveaux statuts présenté par la FAF et soutenu par la FIFA. Le MJS a adopté une position ferme vis-à-vis de cette proposition contenue dans la circulaire 264 du 8 juin 2020 interdisant aux fédérations sportives nationales de modifier les statuts avant le début du nouveau cycle olympique. La visite du président de la FIFA en Algérie la veille d'un rendez-vous électoral est-elle dénuée de calculs ? Pas sûr. Il est habitué à interférer, directement ou indirectement, dans les affaires de vote de pays africains. Sa présence à Alger infléchira-t-elle la position du MJS vis-à-vis de la FAF et de la FIFA sur le sujet de la proposition d'amendement des nouveaux statuts avant l'assemblée générale élective de la FAF ? Sur le plan de l'éthique et de la morale, cette visite est mal venue car elle intervient la veille d'un scrutin important et peut être assimilée à un soutien en faveur d'un candidat au détriment d'éventuels autres postulants. La logique et la raison voudraient que la visite soit différée à l'après assemblée générale élective prévue en avril prochain. Politiquement, c'est une erreur de la part de la FIFA de peser de tout son poids dans une élection qui concerne en premier lieu une association membre d'un pays souverain. Gianni Infantino cherche-t-il à travers sa visite à influer, présentement, sur le cours des événements en Algérie, marqués par le refus du MJS de plier l'échine devant les injonctions d'une institution sportive fût-elle la FIFA, et piétiner, bafouer les lois nationales que du reste elle-même reconnaît à travers l'article 4 alinéa 1 de la convention standard de collaboration de la FIFA qui précise : «Les organes de l'association sont mis en place par un processus démocratique, libre et indépendant, en conformité avec la législation nationale et les dispositions statutaires, les règlements et les principes de la FIFA et de la confédération concernée.» La FIFA reconnaît, à travers cet article, la primauté des lois nationales sur celles de la FIFA et de la CAF. L'actuel président de la FIFA traîne des casseroles sur le chapitre de l'influence sur les décisions des instances de la Confédération africaine. L'épisode de l'élection du président de la CAF, Ahmad Ahmad, en mars 2017, est dans tous les esprits. Il a usé de son statut et rang pour peser de tout son poids dans l'élection indiquée. A quelques semaines de cette échéance, il a effectué un périple africain qui l'a mené dans plus d'une douzaine de pays du continent pour faire basculer le vote en faveur d'Ahmad Ahmad. A-t-il utilisé, ou pas, les moyens de la FIFA pour atteindre son objectif ? Deux membres de la commission d'éthique de la FIFA, Borbely et Eckert, ont été débarqués par Gianni Infantino en 2018 parce qu'ils avaient demandé l'ouverture d'une procédure contre lui pour son implication supposée dans l'élection du nouveau président de la CAF. Pour arriver à ses fins, il n'a pas renouvelé leur contrat en vertu du vote d'un amendement (controversé) en 2016, qui donnait le pouvoir, pour un an, au président de la FIFA et au conseil de nommer et destituer les membres des organes juridictionnels, dont le comité d'éthique. Cette violation du code d'éthique de la FIFA, par son premier responsable, a entraîné, sur le champ, la démission de Dominico Scala, président du comité d'audit et de conformité, qui a dénoncé l'amendement en ces termes : «Il prive de fait les organes juridictionnels de leur indépendance.» Lorsque Gianni Infantino bouge sur le continent africain, qu'il estime être sa chasse gardée, ce n'est jamais dénué de calculs et de prétentions pour asseoir son pouvoir absolu acquis depuis la chute de Joseph Blatter. Il ne voudra jamais d'une Confédération africaine de football forte et indépendante du pouvoir tentaculaire de la FIFA. C'est dans ce registre que s'inscrit l'invitation qu'il a lancée aux nombreux présidents de fédération de se rendre à Kigali, au Rwanda, pour inaugurer un centre de développement du football financé par la FIFA, sous la surveillance de son homme de confiance Veron Mosengo Omba. Pourquoi appeler à ce regroupement de dirigeants de fédération au Rwanda ? Pour les mettre en ordre de bataille en prévision de l'élection du prochain président de la CAF ? Les Fédérations africaines doivent se débarrasser des chaînes de la FIFA et conduire leurs affaires en toute indépendance, loi du diktat de l'Italo-Helvétique poursuivit par la justice de son pays. Advertisements