Ployée sous un sac rempli de terre, Nna Dehbia reprend son souffle avant de continuer sa marche au village d'Ath Kheir (Mekla). Quinquagénaire, elle a consacré toute sa vie à la poterie traditionnelle. « Le travail de la poterie est devenu difficile parce que l'argile que j'utilise est impure. Il est mélangé au sable et aux cailloux. Son nettoyage me prend beaucoup de temps. » La mauvaise qualité de la terre utilisée donne en effet des produits fragiles et facilement cassables. A l'instar des artisans du tapis et du bijou, les potiers d'Ath Kheir sont confrontés au problème de la commercialisation de leurs produits. A ce sujet, Mouloud, le propriétaire d'un atelier de poterie qu'il a ouvert depuis cinq ans sur les hauteurs du village nous fait part de ses problèmes : « J'ai un stock de plus de 600 assiettes que je n'arrive pas à vendre aux magasins qui préfèrent s'approvisionner à Bordj Bou Arréridj où la poterie tunisienne domine le marché. » Le seul moyen d'écouler sa production, c'est de faire des tournées dans les villages et les villes de Tizi Ouzou et chercher d'éventuels clients intéressés par l'objet traditionnel, utilisé pour la décoration plutôt que pour la cuisine. Ainsi, et à défaut de vendre des assiettes et des jarres, Mouloud s'est reconverti dans la fabrication de la petite tuile qu'il livre sur commande aux constructeurs du bâtiment. Mouloud paie les différentes matières qu'il utilise à des prix très élevés. 9000 DA pour l'achat de l'argile à Boudouaou. Un kilo d'émail qui assure la solidité des objets coûte 3800 DA pour un sac de 25 kg. L'approvisionnement s'effectue à Biskra et à Alger. Pour le vernissage et la décoration des jarres, cet artisan qui emploie 4 ouvriers doit encore dépenser 2800 DA pour l'achat d'un kilo de teinte de couleur blanche, marron et bleue. Les deux fours qu'il utilise pour la cuisson nécessitent un entretien qui coûterait plusieurs millions de centimes. Cette situation est aussi celle des deux autres ateliers de poterie du village d'Ath Kheir, dont l'un était une entreprise publique fermée en 1997, nous dit-on. Cette dernière a fait faillite et a été reprise par six anciens travailleurs. D'autres villages se sont investis depuis longtemps dans ce secteur, comme Maâtkas et Aït S'maïl. La relance, cet été, de la fête de la poterie à Maâtkas apportera peut-être des résultats positifs qui iront dans le sens de la sauvegarde de ce métier.