Chaque jour, on en apprend un peu plus sur la raffinerie d'Augusta. Une escroquerie cousue de fil blanc, montée par l'ancien PDG de Sonatrach, Abdelmoum Ould Kaddour, qui fait depuis quelques jours l'objet d'un mandat d'arrêt international émis par la justice algérienne. C'est un véritable roman sicilien. Condamné dans l'affaire BRC, mis en prison puis libéré, Ould Kaddour n'a pas tardé à revenir sur le lieu du crime. En mai 2018, il annonçait pompeusement «la belle affaire» : l'acquisition par la compagnie nationale des hydrocarbures Sonatrach de la raffinerie d'Augusta (Italie) auprès d'Esso Italiana, une filiale du groupe américain ExxonMobil, «à un prix extraordinaire, soit moins d'un milliard de dollars». Beaucoup moins chère, arguait-il, que le projet de la raffinerie de Hassi Messaoud, dont le coût s'élèverait à 3 ou 4 milliards de dollars. Plus que cela, l'acquisition portait, en plus de la raffinerie, sur trois terminaux pétroliers situés à Augusta, Naples et Palerme, ainsi que leurs systèmes d'oléoducs associés. Abusant de l'incrédulité des uns et des autres, Ould Kaddour, soutenait que son «bijou» était capable de traiter à la fois du Sahara Blend ainsi que du fioul résiduel issu de la raffinerie de Skikda. Il s'intégrera, selon lui, directement dans le système de raffinage de Sonatrach. Sa capacité de traitement est de 10 millions de tonnes par an. Sonatrach a importé du pétrole lourd pour redémarrer Augusta L'acquisition de la compagnie pétrolière nationale avait pour objectif d'affranchir l'Algérie du fardeau de l'importation des carburants. Il était écrit, noir sur blanc, que la raffinerie allait traiter le pétrole algérien, le Sahara Blend, et satisfaire les besoins domestiques en matière d'essence et de gasoil. Sans parler des sous-produits pétroliers. Des arguments, Ould Kaddour en diffusait à profusion. Tout cela à 700 millions de dollars ! Nul n'aurait raté une telle opportunité. Mais beaucoup plus qu'il n'en divulguait sur la transaction et son objet avec les Américains, Ould Kaddour, «wanted», depuis peu, par la justice, cachait l'essentiel. Des cachotteries qui auraient forcément empêché le déroulement de l'opération de rachat validée à l'époque par le Conseil de la monnaie et du crédit et le gouvernement Ouyahia. Pour racheter la raffinerie d'Augusta, Sonatrach était, selon des sources sûres, obligée de mobiliser des fonds de ses filiales à l'extérieur, au Pérou et dans d'autres pays. «La vieille machine (70 ans d'âge)» d'Ould Kaddour allait coûter beaucoup plus que prévu. En plus des rénovations qu'elle nécessitait, l'acquéreur devait procéder à la dépollution du sous-sol. Ces dépenses supplémentaires avaient coûté, selon nos sources, environ 200 millions de dollars. Ce ne sont malheureusement pas les dernières, car Sonatrach qui, en prenant possession des lieux avait trouvé les stocks vides, devait approvisionner la raffinerie pour la redémarrer. Comme un malheur n'arrive jamais seul, une nouvelle mauvaise surprise d'Ould Kaddour : Augusta ne peut finalement pas traiter le Sahara Blend algérien qui est un pétrole léger, comme cela a été annoncé officiellement, mais uniquement du pétrole lourd. Il ne lui restait qu'une seule solution, celle qui consiste à importer du pétrole du Moyen-Orient, et plus particulièrement d'Arabie Saoudite. Mais en 2018, l'Algérie faisait face à une grave crise financière, au point de recourir à la planche à billets. Dans un tel contexte d'asphyxie économique où trouver de l'argent frais pour s'approvisionner en pétrole lourd d'Arabie Saoudite ? C'est Arab Petroleum investments Corporation (Apicorp) qui le prêtera pour le redémarrage de la raffinerie. Partie pour faire des économies et réduire les importations de gasoil et d'essence, en les produisant elle-même, Sonatrach s'est retrouvée ainsi dans l'obligation d'importer du pétrole. Cela aurait pu être un détail si le contrat avec ExxonMobil n'incluait pas l'exclusivité de la société américaine sur les lubrifiants et autres sous-produits du pétrole. Une partie du foncier appartient à l'OTAN Si on ne connaît pas encore le prix de cession de ces derniers, qui devraient être que préférentiels, la durée de l'exclusivité, qui serait de dix ans, ne favorise pas les intérêts de Sonatrach. C'est presque la moitié de la production de la raffinerie d'Augusta, et ce sont ces produits nobles, les huiles et autres lubrifiants, qui aident à faire des chiffres d'affaires. Ils sont très lucratifs. A coup sûr, avec tous ces aléas et contraintes, la raffinerie est revenue à plus d'un milliard de dollars. C'est un boulet, que va continuer à traîner la compagnie pétrolière nationale. En plus des raisons suscitées, nos sources révèlent une autre «gaffe» de Abdelmoumen Ould Kadour, une partie de l'usine, celle réservée au stockage, est située sur un terrain qui appartiendrait à l'Otan, l'Alliance atlantique. Si Sonatrach décidait de revendre, qui rachèterait un telle «quincaillerie» vieille de 70 ans avec tous ces problèmes sous-jacents ? On se demande alors comment Sonatrach, sous la direction d'Ould Kaddour, a pu procéder à l'achat de la raffinerie d'Augusta ? Quelle a été la motivation de l'ancien Pdg aujourd'hui recherché par la justice ? La satisfaction des besoins nationaux en matière de carburants est un objectif qui s'éloigne, surtout lorsque l'on sait que la réalisation et l'entrée en production de la nouvelle raffinerie de Hassi Messaoud ne sont pas pour demain. Advertisements