Spécialiste en histoire des mathématiques et chercheur en mathématiques, le Professeur Rachid Bebbouchi s'est spécialisé dans la didactique de cette discipline en réalisant, entre autres, une dizaine d'ouvrages, dont des livres scolaires pour les élèves et des guides pour les maîtres d'école. Ce chercheur, qui s'est distingué par sa manière d'enseigner les maths à l'USTHB, estime dans cet entretien, que l'enseignant doit d'abord faire aimer à l'apprenant cette discipline, mère de toutes les sciences, pour pouvoir ensuite la lui enseigner et la rendre un outil servant à «modéliser tout ce qui l'entoure dans la vie». Propos recueillis par Amina Ahres
-Que pouvez-vous nous dire au sujet de cette journée mondiale des mathématiques ? Je dois dire, d'abord, qu'il faudrait organiser beaucoup d'événement de ce genre pour rendre hommage non seulement au professeur Khelladi, mais aussi à toutes les personnes qui ont contribué à la construction de l'université algérienne et à l'édification des sciences des mathématiques en Algérie. Sans cela, nous ne connaîtrons pas notre histoire et nous ne saurons jamais comment l'enseignement des mathématiques a évolué dans notre pays. -Justement, comment évaluez-vous l'enseignement de cette science en Algérie ? Nous allons organiser prochainement, à l'Ecole nationale préparatoire aux études d'ingénieur de Rouiba, une rencontre où l'on discutera justement de cette problématique pour savoir où en sont les mathématiques algériennes. Mais en gros, je dirai plutôt que les maths algériennes se portent bien. Car du point de vue recherche, en 2017, l'Algérie était leader en Afrique. Cela était dû au fait que chaque fois qu'il y avait une thèse de doctorat, on demandait au doctorant de publier un article de recherche dans une revue de renommée mondiale. Du point de vue enseignement, il faut se référer par exemple aux résultats du bac de 2020 où la filière des maths a eu la part du lion. Mais il y a aussi d'autres études, comme celle publiée en 2015, qui montrent que l'enseignement des mathématiques en Algérie manque son but de loin. Il faut dire à ce propos que «l'approche par compétence» optée comme mode d'enseignement n'a pas donné ses fruits parce que nos enseignants n'y étaient pas préparés. Aujourd'hui, l'enseignement de cette discipline se fait encore sous une forme un peu archaïque qui se limite à appliquer des théorèmes. On n'étudie plus, par exemple, la géométrie dans l'espace qui est extrêmement intéressante et incite l'élève à réfléchir pour résoudre un problème sur une figure donnée. J'assimile les maths d'aujourd'hui à la cuisine qui applique des recettes. Les mathématiques doivent devenir innées chez les gens. -Comment doit-on l'enseigner alors ? Les mathématiques ne sont pas quelque chose d'ardu. Il faut juste savoir les enseigner. En ce qui concerne notre Société, nous avons par exemple lancé un concours aux lycéens de 2e année où l'on donne aux élèves une situation quelconque en leur demandant d'essayer de la modéliser en mathématiques. C'est une façon de faire aimer les mathématiques, d'autant qu'elles ne servent à modéliser et mieux comprendre ce qui nous entoure. C'est pour cela qu'il faut pousser les élèves à réfléchir. -Que pensez-vous de la création, il y a quelques années, d'un lycée spécialisé dans l'enseignement des mathématiques à Alger ? Effectivement, un lycée des mathématiques a été créé à Alger, mais à la fin, tous les élèvent partent ailleurs et ne font pas mathématiques.