En Arctique, la banquise fond plus vite que les scientifiques ne le prédisaient et le taux d'augmentation de la température a été sous-estimé, d'après Jens Hesselbjerg Christensen, professeur de climatologie à l'Université de Copenhague. Les données d'une étude, publiée fin juillet 2020, dans la revue Nature indiquent que la hausse exceptionnelle de la température observée actuellement dans l'Arctique, entraînant fonte des glaces et de la banquise et hausse du niveau de la mer, est sans précédant. Les populations de tous les continents sont conscientes des menaces. Simge Andı et James Painter de l'University d'Oxford ont interrogé plus de 80.000 personnes en ligne en janvier et en février 2020. Près de sept personnes sur dix considèrent que les changements climatiques constituent «un problème très ou extrêmement grave». Les populations sont donc prêtes à se mobiliser. La pandémie de la Covid-19 qui a entraîné, selon les derniers chiffres, la mort de 788.015 personnes, domine l'actualité depuis des mois et bouleverse tous les aspects de la vie quotidienne, et dans le même temps, les catastrophes naturelles se multiplient à grande échelle. Dans ce contexte de dérèglements climatiques et de leurs effets dévastateurs, alors que des actions politiques à grande échelle se font toujours attendre malgré les discours, des communautés citoyennes, des associations nombreuses et diverses et des groupes industriels se mobilisent et ont d'ailleurs été récompensés par les Nations Unies pour leurs actions. Stefania Giannini, sous-directrice générale de l'Unesco pour l'éducation, indique qu'une recherche importante, intitulée «Future of the humanclimate niche» réalisée par Chi Xu, (Chine), Timothy A. Kohler, (Danemark) Timothy M. Lenton, (Pays-Bas), Jens-Christian Svenning,(Royaume-Uni), Marten Scheffer (Etats-Unis) a été publiée le 4 mai 2020 sur le site du Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS). Cette recherche révèle qu'actuellement, les êtres humains vivent dans des régions où la température annuelle moyenne se situe entre 11 et 25 degrés Celsius. Dans ces régions qualifiées de «niche climatique humaine», la température supportable a permis de produire suffisamment de nourriture pour permettre aux populations de survivre. Selon les auteurs, chaque degré de réchauffement climatique poussera un milliard de personnes hors de cette zone de survie et multipliera les famines et les migrations de façon catastrophique. Le secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a appelé les gouvernements à «reconstruire en mieux», une fois passée la crise actuelle de la Covid-19, en créant des «sociétés plus durables, résilientes et inclusives». Et bien sûr, l'éducation et la recherche sur les apprentissages sont en premières lignes pour transformer le contenu et les modalités d'apprentissage. Pendant le confinement, la fermeture des écoles dans plus de 180 pays a permis, en effet, de mettre en évidence les inégalités en matière éducative, les carences de l'apprentissage à distance, le coût de la fracture numérique ainsi que les insuffisances dans le bien-être des élèves et donc de la préservation de leur environnement. C'est pourquoi, selon António Guterres, après la Covid-19, il est nécessaire et urgent de repenser et de reconstruire l'éducation pour engendrer des acteurs du changement prêts à relever les défis mondiaux, et en particulier pour répondre à la crise climatique qui menace la planète. Les travaux sur le numérique constituent un atout précieux et rendent possible la conception et la mise en place de stratégies efficaces de développement scientifique à la base de la construction de la société, de la connaissance et des nouveaux enjeux planétaires. Des recherches innovantes s'imposent et doivent rendre en effet possible la conception de nouvelles dynamiques de transition vers une innovation responsable, capable de maîtriser la société mondialisée et de faire face aux nouveaux défis et, en particulier, au réchauffement climatique qui renforce les inégalités entre les peuples et cause de graves menaces pour l'homme et la planète. C'est pourquoi, ces recherches nouvelles, les digital humanities s'inscrivent dans un «humanisme numérique, une nouvelle vision du monde et un nouveau paradigme pour la recherche ». C'est ainsi que Gilles Berhault, par exemple, dans son ouvrage Révolution numérique pour la concertation environnementale (2016) a analysé les apports des recherches scientifiques et des technologies de l'information sur le travail en réseau, les recherches collaboratives, le développement durable, il constate que pour la première fois, l'ensemble de l'humanité fait face à un ennemi commun, le climat, et fait preuve d'une capacité nouvelle, agir ensemble à l'échelle de la planète. L'école et les systèmes éducatifs ne sont cependant pas préparés à penser ces bouleversements en termes d'apprentissage/enseignement et à traiter avec rigueur et vigilance les nouvelles priorités : développer de façon interdisciplinaire le raisonnement scientifique et les projets à la base de l'éducation aux changements climatiques. Pourtant, des initiatives se font jour. Le Forum Européen de la Jeunesse (YFJ), par exemple, a tenté de faire face à ces défis auxquels nos sociétés sont confrontées : construire une société socialement équitable pour tous et capable de s'adapter à la globalisation qui se développe à une vitesse de plus en plus accélérée. Pour le YFJ, aborder ces défis dans le domaine de l'éducation est une priorité et des travaux commencent à analyser les effets didactiques et pédagogiques provoqués par ces bouleversements. Un projet comme le Science-Link Maghreb-Afrique subsaharienne et changements climatiques s'est appuyé sur les travaux de jeunes chercheurs du Maghreb et d'Afrique subsaharienne (Ben Ismail, Alkatib & Legros, 2015 ; Paré Kaboré, Sawadogo & Legros, 2016) et s'est développé grâce à cette dynamique de création d'un espace de collaboration tourné vers la recherche et sur la construction des connaissances scientifiques. Cette dynamique doit être relancée et élargie afin de concevoir et de mettre en œuvre des actions et des recherches efficaces sur la lutte contre le réchauffement de la planète, indispensables pour un développement durable et équitable des différents pays. Il s'agit d'une mobilisation générale et d'une mise en synergie des différents acteurs, scientifiques, politiques, économiques, industriels, éducateurs et citoyens du monde. Tirons les leçons du confinement et de la crise climatique. Le monde de l'après-crise, le monde de demain est à réinventer et à construire. D. L.
Par Denis Legros Professeur émérite en psychologie cognitive au Laboratoire CHArt de l'université de Paris 8
Ben Ismail D., Alkhatib, M. & Legros D. (2015). Memory, Cognition, and Multimedia: Role of the Importance of Organizing Knowledge in Memory with Hypermedia Help and Online Co-Understanding Systems. Handbook of Research on 3-D Virtual Environments and Hypermedia for Ubiquitous Learning (pp. 318-337). Berhault, G. (2016). Révolution numérique pour la concertation environnementale. Annales des Mines – Responsabilité et environnement, 81, p. 92. Paris, FFE. Paré-Kaboré A., Sawadogo, F.,&Legros, D. (Eds), (2016). Apprentissage en contexte culturel plurilingue et numérique. Paris ; L'Harmattan Advertisements