Cela fait quelques jours que nous l'avions eu au téléphone. Malgré l'effet de la maladie qui l'avait cloué au lit, Mokdad Messaoudi était impatient de reprendre le chemin de la lutte. Le défunt s'est dit «ulcéré par les déclarations des ministres du Travail quant à la nécessité de porter l'âge de départ à la retraite à 65 ans». Tribun hors pair, Mokdad était le leader incontesté du Mouvement ouvrier dans les zones industrielles de Rouiba et Réghaïa. La nouvelle de sa mort, intervenue mercredi dernier, est tombée tel un couperet sur les 80 000 travailleurs de ces deux zones, qui ont de tout temps dénoncé les politiques antisociales des gouvernements successifs et des oligarques de l'ancien régime. Très touchés, ses camarades parlent «d'une grande perte pour l'Algérie». «Mokdad est une valeur sûre du mouvement syndical. Malgré les errements de la direction de l'UGTA, il a toujours défendu les droits des travailleurs. Après l'avènement du hirak, il a dénoncé énergiquement la dérive de Sidi Saïd et son soutien au régime de Bouteflika. Il fut l'un des initiateurs du mouvement de réappropriation de la centrale syndicale en vue de sa restitution à la base. C'était son dernier combat, mais il a été isolé par les responsables de l'UGTA car ils savaient qu'il représentait un danger», dira Nordine Bouderba, syndicaliste et expert en questions sociales. Toujours à l'écoute de la base, Mokdad Messaoudi fut à l'origine de toutes les protestations organisées à Alger et Rouiba contre la politique de privatisations des entreprises publiques et l'annulation de la retraite anticipée. Durant l'ère de Bouteflika, il était l'ennemi juré de Sidi Saïd et l'oligarchie. Avec son franc-parler et son humour, il a une manière bien à lui d'haranguer les foules. Un infatigable battant En mars 2015, il a fait sortir plus de 5000 employés de la SNVI dans la rue pour exiger la récupération d'un vaste terrain qui était exploité illégalement par Tahkout Mahieddine. D'aucuns savent que quand cette importante zone industrielle tousse, le pouvoir éternue. «On ne doit pas oublier aussi que la loi sur la retraite allait être abrogée en 2009 avant que cela ne soit reportée grâce à la mobilisation des travailleurs de Rouiba», se rappelle encore M. Bouderba, soulignant que le taux «de syndicalisation» dans les entreprises privées y est le plus élevé à l'échelle nationale et tout cela grâce au courage et à l'engagement de «l'homme au béret noir». Hamoud Ibaouni, ancien syndicaliste et ami du défunt, rend «hommage à un syndicaliste aux convictions inébranlables». «Mokdad avait été élu à la tête de la section syndicale de la SNVI alors qu'il n'avait que 19 ans. Depuis, il n'a jamais cessé de se battre contre les inégalités salariales, la baisse du pouvoir d'achat et du SNMG, le maintien de l'IRG, l'annulation de la retraite anticipée, etc», a-t-il témoigné. Le défunt était connu aussi pour sa modestie et son intégrité. Mohamed Benmouloud, ancien syndicaliste à la SNVI et un de ses camarades de lutte, parle d'un «homme d'une honnêteté inégalée». «Mokdad a consacré toute sa vie pour le syndicat. Ce n'est pas un affairiste comme il y en a tellement de nos jours», a-t-il certifié, ajoutant que la meilleure façon de lui rendre hommage est de continuer son combat. Advertisements