Trois décennies de nouvelles en un recueil. Christiane Chaulet Achour a choisi de nous faire découvrir la littérature algérienne via 25 auteurs, à la fois blasés, faussement cyniques et très ironiques. Le talent est au rendez-vous. Dérision en plus. Enfin une anthologie des nouvelles d'Algérie. Christiane Chaulet Achour a réuni vingt-cinq nouvelles écrites entre 1974 et 2004. De ces trois décennies, on découvre un kaléidoscope d'une Algérie multiple, plurielle. Le livre s'ouvre sur une nouvelle, assez méconnue, désabusée de Mouloud Mammeri. L'après-indépendance a un arrière-goût de liberté confisquée. Dans La Meute, l'auteur de la Traversée, décortique la nature humaine avec férocité et une ironie mordante. Vingt-quatre autres écrivains se pencheront sur un pays qui n'a pas été toujours malade. Les regards croisés laissent voir une richesse littéraire originale. Le dénominateur commun demeure de grandes blessures, des illusions perdues pour les plus anciens et un désenchantement volontairement cynique pour les plus jeunes. D'abord, honneur au plus talentueux des nouvellistes et écrivains actuels, Aziz Chouaki, qui, dans un français dont il a le secret nous fait grimacer de douleur et d'hilarité dans Rire. Une nouvelle à (re)lire en urgence pour cause d'hygiène publique. L'auteur de L'Etoile d'Alger marque un tournant dans la littérature algérienne. Il y a un avant et un après Chouaki. Seul Rachid Boudjedra avait réussi, dans une autre mesure et avec un autre style, à créer une aussi grande catharsis dans l'univers littéraire local. Que dire de Tahar Djaout sans tomber dans l'encensement ou l'engouement ? Sa nouvelle Reporter, extraite de son recueil Les Rets de l'oiseleur, résume assez bien l'écriture déroutante de l'enfant d'Azeffoun. Première phrase : le journaliste pense. Dernière, le journaliste dit : « Je laisse l'émotion refroidir, j'enjambe les cadavres et les rires, et ma lignée tressée d'oripeaux est une comme une zébrure indélébile qui dit le corps et le pal ». Au milieu, l'univers de Tahar Djaout. L'anthologie de Christiane Chaulet Achour a le mérite de défricher un terrain laissé en jachère par les éditeurs. La nouvelle, dans toute la littérature francophone, est malheureusement considérée comme un art mineur, contrairement aux Etats-Unis. Les perles réunies dans Des nouvelles d'Algérie, entre rire et pleurs, découragement et espoir, lassitude (dégoûtage) et résistance, décrivent, on ne peut mieux, les soubresauts d'une société en perpétuel questionnement. Et les nouvelles sont le moyen le plus adapté pour tenter d'y répondre.