Les éditions du Seuil viennent de publier Beurettes : un fantasme français, un livre préfacé par l'écrivaine Alice Zeniter, sous la signature de Sarah Diffalah, journaliste à L'Obs et Salima Tenfiche, chercheuse en cinéma et chargée de cours à l'université Paris-Diderot. A travers leurs expériences personnelles de filles issues de l'immigration algérienne, ainsi que des témoignages et des analyses de sociologues ou d'historiens, les auteures tentent de renverser l'image associée aux femmes françaises issues de l'immigration maghrébine. Elles évoquent la double culture, la sexualité, la transmission, la religion, le racisme et le féminisme, entre autres. Bimbo orientale habituée des bars à chichas ; femme voilée sage et soumise qui rêve de vacances à Dubaï ; objet sexuel des pires dépravations sur les sites pornos ; «bourgeoise» ambitieuse haut perchée sur ses talons hauts ; ou jeune actrice tchatcheuse qui a gardé l'accent de la cité, les femmes françaises issues de l'immigration maghrébine ne semblent exister dans l'espace médiatique qu'au gré des stéréotypes sans cesse renouvelés de la «beurette», écrit l'éditeur. Les deux auteures, refusant se plier à ces préjugés sexistes et racistes, ont choisi d'interviewer 23 femmes, anonymes ou célèbres, comme l'actrice Sabrina Ouazani ou la cheffe d'orchestre Zahia Ziouani, pour explorer les coulisses et les non-dits de cette appellation qu'elles rejettent. Au bout de l'enquête, elles ressortent avec l'idée que ces femmes demeurent prisonnières d'un héritage colonial qui continue d'agir. Leur corps est sans cesse au cœur de polémiques qui divisent dans leurs propres rangs musulmans, féministes, associations de femmes «racisées», autant que militants de gauche ou antiracistes. Dans le magazine Causette, à propos du stéréotype de la «beurette» dans la société française, Salima Tenfiche explique : «Ça a été la plus grande surprise au début de notre enquête. On en était restées à l'idée que ''beurette'' était l'évolution du terme ''beur''. On n'avait jamais vraiment entendu ce terme à l'oral, sauf dans la bouche des parents de nos amis, des baby-boomers, en tant que féminin de ''beur''. Quand on a commencé à en parler autour de nous, à des gens qui ne sont pas d'origine maghrébine, on s'est rendu compte que ''beurette'' était passé dans le langage argotique, du côté de l'insulte, et qu'il était lié au porno. Notre enquête tente de montrer que c'est lié à l'héritage colonial. Que le corps de ''la femme arabe'' est en quelque sorte le dernier territoire de conquête, comme le dit l'historien Pascal Blanchard. Il est représenté comme inaccessible, caché, ou alors hypersexualisé.» Advertisements