Hormis le gaz et le pétrole, l'Algérie va-t-elle vraiment exporter pour 5 milliards de dollars en 2021, ainsi que l'affirment les autorités du pays ? Les déclarations du président Abdelmadjid Tebboune, relayées il y a quelques jours par le secrétaire général du ministère du Commerce quant aux prévisions du gouvernement sur les exportations pour l'année en cours, suscitent étonnement et interrogations. D'autant que ce montant n'est expliqué par personne. Comment, en effet, est-il possible que le pays puisse passer en l'espace d'une année d'un niveau d'exportations hors hydrocarbures de 2,26 milliards de dollars en 2020, 2,58 en 2019, à 5 milliards de dollars en 2021 ? Et ce, en pleine crise sanitaire, dont il n'est pas dit que le pays ne va pas subir encore les conséquences de la pandémie de la Covid-19 qui, faut-il le rappeler, continue de faire des victimes aussi bien en Algérie que dans le reste du monde. C'est dire si la situation économique est encore sous l'emprise des effets de la crise sanitaire qui a endeuillé des millions de personnes de par le monde et mis l'économie mondiale à genoux avec une récession de plus de 4%. L'économie algérienne est-elle donc en passe de réaliser ce qui tiendrait du miracle, alors que durant toutes les années précédentes, en dépit de la conjoncture favorable localement et à l'international, le pays n'a jamais su relever le défi ? Pas évident. Interrogé, le PDG de la Compagnie algérienne d'assurance et de garantie des exportations (Cagex), Tariket Djilali, reste dubitatif : «On ne peut pas passer de 2 à 5 milliards de dollars en moins d'une année... Je ne vois pas comment !» Ladite compagnie d'assurance a pourtant un œil très avisé sur les marchés d'exportation. Elle a vocation, entre autres, selon les déclarations de son PDG sur les ondes de la Radio nationale le 12 du mois d'avril, d'assurer et de garantir les non-rapatriements des revenus des exportations algériennes. «C'est un dispositif de prévention et non de sanction. La Cagex travaille à l'international pour s'informer sur les acheteurs, où qu'ils soient à l'étranger, qui nous permettent de confirmer à un moment ou un autre que l'opération est fiable et qu'elle peut être réalisée», a-t-il expliqué alors à l'émission de L'invité de la rédaction de la Chaîne 3. Plus clairement, cette société, dont 25% des exportateurs y sont affiliés, assure l'accompagnement des opérateurs et permet de récupérer des créances impayées. En tant que professionnel du secteur, M. Tariket pose d'ailleurs un regard critique sur le dispositif d'ensemble visant à encourager les exportations algériennes hors hydrocarbures. Prémonitoire ? Abordant les multiples obstacles dressés sur ce créneau du commerce extérieur et les risques de poursuites judiciaires auxquels restent exposés les exportateurs compte tenu de la législation, il affirmera to de go : «Maintenant, avec une législation rigide et répressive, la question se pose sur les objectifs déjà fixés par les pouvoirs publics, je parle de l'objectif de 5 milliards de dollars pour 2021. Je me pose la question de savoir comment serait-il réalisable avec un dispositif qui n'est pas adapté justement à cette politique commerciale agressive sur les marchés étrangers...?» Prémonitoire ? En tout cas, il rappellera à ce propos qu'en Algérie, «on est dans une situation de rareté des exportateurs. 800 exportateurs pour un pays comme l'Algérie, c'est franchement insignifiant». Le nombre effectif des exportateurs en Algérie, faut-il le souligner, pose problème. En Algérie, à chacun ses statistiques. Quand elles existent. Au total, 1219 exportateurs algériens de différents produits ont été recensés en 2020, selon l'APS qui cite un responsable au ministère du Commerce. Interrogé, le PDG de la Cagex nous lance : «Les exportateurs, on les connaît !» Et d'enchaîner : «Ils sont au nombre de 5 ou 6 qui totalisent près de 80% du montant global des exportations hors hydrocarbures.» Les données statistiques des Douanes, quant à elles, publiées en février dernier et reprises par l'APS, relèvent que 5 plus grands exportateurs hors hydrocarbures, sur l'ensemble des 1468 opérateurs qui activent dans le domaine, accaparent à eux seuls plus de 72,69% de la valeur globale des exportations en 2019. Selon la même source qui cite des données établies par la direction des études et de la prospective des Douanes, il s'agit principalement de «ceux opérant dans les produits de l'urée, des solvants, de l'ammoniac et des sucres». Les Douanes algériennes notent que cinq produits exportés ont totalisé plus de 74,8% des exportations hors hydrocarbures. Il s'agit des engrais minéraux ou chimiques azotés, des huiles et autres produits provenant de la distillation des goudrons de houille, de l'ammoniac anhydre, des sucres de canne ou de betterave et les phosphates de calcium naturels. Concernant le ciment, les exportations ont dépassé 60 millions de dollars en 2019, soit une hausse de 141% par rapport à 2018. En 2020, les engrais minéraux et chimiques en tête des produits exportés avec un montant de 733,97 millions de dollars. Le sucre a généré 303 millions de dollars, le ciment 81,8 millions et les dattes 73,03 millions de dollars. En somme, il est à se demander si les déclarations des officiels sur le montant de 5 milliards de dollars à atteindre à fin 2021 tiennent plus de l'ambition que de prévisions réelles fondées sur des projections chiffrées et d'opérations concrètes. Car, dans ce cas précis, pour atteindre le niveau escompté des exportations, les «5» dont il s'agit doivent non seulement booster leur production et leur opérations commerciales, mais en plus peut-être qu'il va falloir miser sur l'entrée de nouveaux acteurs. En fait, il ne s'agit rien de moins que de doubler la mise. Il y a enfin lieu de noter que les exportations hors hydrocarbures ont représenté 9,84% du volume global en 2020, estimées à 24 milliards de dollars contre 34,8 milliards de dollars en 2019. Advertisements