Grâce à Pegasus, nous entrons par la grande porte dans la Matrice des Wachowsky. Le scandale planétaire révélé par le consortium de journalistes Forbidden Stories, Amnesty International et le Citizen Lab de Toronto, nous apprend que l'espionnage moderne dispose désormais d'une arme absolue capable de cibler une population illimitée. Téléphone, réseaux sociaux, rien ne résiste au logiciel israélien. Les chiffrements les plus sophistiqués craquent. L'insécurité informatique est totale, au profit des dictatures et des Etats voyous qui ont accouru pour faire leurs emplettes chez NSO, constructeur et fournisseur de ce logiciel espion, ennemi suprême de la démocratie. Pegasus est vendu essentiellement à des régimes autoritaires qui ne s'encombrent guère de considérations de droits pour espionner des adversaires politiques, des opposants et des journalistes libres. Les révélations relayées notamment par Mediapart et Le Monde citent, par exemple, l'Inde, le Mexique, l'Indonésie et l'administration chinoise de Hong Kong. Mais on y apprend aussi que les nouveaux amis arabes de l'Etat hébreu, l'Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn et, bien entendu, le Maroc, sont tous des clients de NSO et ont tous fait usage de Pegasus pour pomper les données personnelles de milliers de cibles aussi bien dans leurs pays qu'à l'étranger. C'est le butin de la normalisa-tion diplomatique. Le royaume chérifien en a profité dangereusement, osant espionner l'Etat algérien, ou encore des hommes d'Etat français. C'est une agression caractérisée en ce qui nous concerne, qui peut avoir de lourdes conséquences sur les relations entre les deux pays voisins et la stabilité dans la région. Mais grâce à Pegasus, le makhzen réprime aussi les voix marocaines libres. C'est le cas du journaliste Omar Radi, victime d'une cabale des services secrets marocains, qui ont, entre autres, craqué son téléphone personnel en utilisant Pegasus, comme l'a révélé Amnesty International. En Arabie Saoudite, le régime de MBS a été «déconnecté» du logiciel juste après l'assassinat du journaliste Djamal Khashoggi, dont il a été commanditaire et exécutant. Mais grâce encore à Forbidden Stories, on apprend que NSO a rétabli la «connexion» suite à l'intervention du gouvernement israélien. Le lien ombilical entre le gouvernement et Tsahal d'un côté et les start-up du numérique de l'autre est un secret de polichinelle. Le complexe militaro-industriel local, dont le cyber espionnage est à la pointe, ouvre le chemin pour la diplomatie israélienne qui conquiert avec succès de nouvelles amitiés en fournissant aux pays autoritaires les moyens de «maintenir l'ordre». Au-delà du scandale mondial de l'espionnage, ce business entre l'Etat raciste d'Israël et les régimes antidémocratiques nous confirme à quel point les garde-fous internationaux sont devenus insignifiants devant l'audace du capitalisme guerrier et ses nouvelles formes de domination des peuples. Advertisements