Le nouveau numéro du forum du TNA a accueilli, dans la soirée du 19 août, le musicologue Salim Dada qui a présenté une communication intitulée «La fonctionnalité musicale à travers l'expérience théâtrale contemporaine.» A la fois compositeur, musicien, chef d'orchestre et chercheur musicologue, Salim Dada cumule une vaste expérience dans le domaine de la création artistique et de la composition musicale. Il est également un expert international à l'Unesco, spécialisé dans la «Convention de 2005» de la préservation et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Il a occupé plusieurs postes et fonctions importants, dont les plus récents étaient celui de président du conseil national des arts et des lettres et celui de secrétaire d'Etat chargé de la production culturelle. Le conférencier rappelle que dans l'arène de l'art contemporain occidental naissent quotidiennement de nouvelles formules de dialogue et d'intermariage entre théâtre et musique. «Aujourd'hui, le compositeur n'est plus le dernier des soldats de l'invisibilité travaillant dans l'atelier de production théâtrale, ou celui qui offre de l'aide à la fin de l'atelier afin d'ajouter une atmosphère plaisante ou divertissante à un spectacle incohérent ou qui peut sembler terne ou pesant sur le public. De nombreux grands metteurs en scène consultent aujourd'hui le compositeur depuis le début du travail sur le texte, et il y a même ceux qui s'inspirent de l'atmosphère et de la pulsation rythmique de la musique pour tisser les dialogues du texte et pratiquer la direction des acteurs, comme ce fut le cas dans le théâtre grec antique.» Salim Dada suggère – à travers son expérience en tant que compositeur et en tant qu'observateur du théâtre contemporain et des arts de la scène – une typologie qui catégorise sept des fonctions les plus importantes assignées à la musique dans la création théâtrale. Mais avant, il éclaire sur les mécanismes de la narrativité dans une pièce théâtrale. En effet, dans les mécanismes de narration, il explique que la diégèse est le fait de raconter les choses, et s'oppose au principe de mimesis qui consiste à montrer les choses. C'est également l'univers d'une œuvre, le monde qu'elle évoque, dont elle représente une partie. La musique n'est pas un accessoire Pour l'orateur, quand on évoque la musique dans le théâtre, on parle toujours d'un élément artistique complémentaire qui rajoute quelque chose à la pièce théâtrale. Au-delà de son esthétique et de sa couleur, la musique n'est pas seulement un accessoire ni quelque chose qu'on rajoute à la fin de la réalisation. Il s'agit d'un texte à part entière qui peut donner une valeur dramatique, voire narrative dans un texte. Les fonctions de la musique dans une pièce théâtrale sont très différentes. Quel rôle peut alors jouer la musique dans une pièce théâtrale ? D'emblée, Salim Dada fait abstraction de toutes les formes de musique théâtrales (opéra, comédie musicale, ciné-concert...) mais parle plutôt du théâtre, reposant sur le texte et sur l'accent des acteurs. Typologie en sept fonctions Le musicologue soutient que la musique n'est pas là comme un accessoire mais elle a des fonctions. Il en a fait une classification, une sorte de typologie en sept fonctions. Il énumère, développe et donne des exemples et des clés d'écoute à ces sept fonctions de la musique dans le théâtre. «Ce n'est pas forcément des choses qu'on peut retrouver dans des listes, mais c'est surtout mon expérience de compositeur, mon intérêt pour le théâtre. Il se trouve que j'avais écrit quelques articles sur la musique et le théâtre auparavant. Je mets cela comme une sorte de tutoriel pour les compositeurs, pour les réalisateurs, les metteurs en scène et même les gens qui travaillent dans l'art du spectacle.» Parmi les sept fonctions assignées à la musique dans la création théâtrale, le conférencier cite d'abord la musique comme élément structurant de la pièce théâtrale. En général, toute pièce théâtrale donnée est étrennée par de la musique ou encore par un rideau fermé dans le noir. «C'est déjà très important pour installer une atmosphère, pour préparer les spectateurs et l'auditoire. La musique se termine aussi sur la conclusion de la pièce. Il y a aussi les entractes qui structurent la pièce théâtrale. Cela évite les silences et les creux lors des changements de décor et de costumes. On peut dire que cette fonctionnalité est à la fois fonctionnelle et structurante», étaye-t-il. Autre fonction attribuée à la musique dans la création théâtrale, celle de l'intelligence de la musique, comme un élément ethnographique. Ce dernier repose sur la description de la structure du lieu où se déroule l'histoire. «Une musique qui va dépeigner avec le son, l'espace temporel et spécial où se joue l'histoire. A travers le genre musical et les instruments musicaux, qu'on entend dans la bande sonore, on peut distinguer, si on est dans une époque romaine ou dans une capitale islamique ou encore dans les fins fonds de l'Afrique centrale.» On retrouve également d'autres fonctions, telles que la ponctuation de la situation dramatique, le contraste ou encore la personnification de la musique par le personnage. Le compositeur Salim Dada clôture sa magistrale conférence sur la question de la condition de diffusion et de production musicale en Algérie. Il rappelle qu'en général dans une pièce théâtrale, on a toujours une diffusion à partir d'un CD sur les computers monitors. «Dans le théâtre, on fait appel souvent à une diffusion. Il est vrai que d'un point de vue pratique, c'est bien, parce qu'on a toujours la même bande sonore, mais sur le plan âme et côté vivant, cela donne autre chose. La musique doit être intégrée dans le théâtre, comme cela se fait aujourd'hui en Europe et aux Etats-Unis. J'ai toujours souligné que la musique est d'abord vivante, comme tous les autres éléments tels que la scénographie, les comédiens et la voix. Dans une pièce théâtrale, on ne peut pas imaginer un acteur mourir en play back. C'est inimaginable mais la musique, par contre, on l'a fait. On a accepté que la musique soit pré-enregistrée et pré-montée. Du coup, on n'a même pas besoin d'avoir un compositeur lors de la présentation, alors qu'un créateur de lumière fait partie de la troupe. Tout cela pour dire qu'il faut revoir l'importance de la musique en tant qu'élément vivant dans une pièce théâtrale.» Le chef d'orchestre et chercheur musicologue note qu'il y a même, aujourd'hui, des pièces de théâtre ou il y a des séries de scène qui sont faites carrément en chorégraphies. Les acteurs deviennent des danseurs. Il n'y a plus de cloison entre les arts aujourd'hui. «A partir du moment où on est dans l'art de la performance ou de l'art des spectacles, toute forme d'expression est la bienvenue. La narration, le chant, la danse, la déclamation poétique peuvent être introduits dans la même pièce théâtrale», conclut-il. Advertisements