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Qu'a-t-on fait de Skikda ?
UNE VILLE À MOITIE MENAÇANT RUINE
Publié dans El Watan le 06 - 09 - 2021

Près de 50 % du parc immobilier de la ville de Skikda est jugé fortement dégradé. Cette hécatombe ne se limite pas aux seules 'Arcades' qui longent l'avenue Didouche Mourad.
Elle s'étend à l'ensemble du centre historique de la ville et frappe le cœur de ses quartiers populaires : Houmet Ettalyène (le quartier napolitain), Sebaa Biar (les sept citernes romaines), Zkake Arabe, le quartier de la Mosquée, El Fibour (le Faubourg), tout se désagrège, les immeubles, les écoles, les commerces et les infrastructures culturelles du centre-ville. Même l'Hôtel de ville, cette œuvre architecturale d'une valeur patrimoniale indéniable, est désormais classé dans la case des bâtisses «moyennement dégradées».
Enorme gâchis ! À Zkake Arabe, un quartier populaire de la ville, on compte pas moins de 32 immeubles fortement dégradés et 4 autres menaçant ruine. Au quartier du Marché couvert, et sur un ensemble de 44 bâtisses, une seule est jugée en bon état et plus de 25 autres sont considérées comme fortement dégradées et menaçant ruine. Au Faubourg, 11 bâtisses menacent ruine et 13 autres restent fortement dégradées. Les quartiers Houmet Ettalyène et le Colisée risquent de disparaitre. Définitivement ! À ce jour, ils n'abritent que 20 bâtisses jugées en bon état. Le reste est soit déjà rasé, soit classé dans les cases concernées par la dégradation à différentes échelles. La ville se meurt !
Des morts et des études
Fragilisée, ruralisée et abandonnée, Skikda n'est désormais que l'ombre d'elle-même. Une ville mutante qui ne ressemble à rien et surtout pas cette belle cité méditerranéenne qu'elle fût, il y a juste une trentaine d'années. Une ville au faciès urbanistique défiguré et qu'on a laissé pourrir et mourir, de jour en jour. De décennie en décennie. Pourtant ce n'étaient pas les alertes qui manquaient. En 2010, une vieille avait trouvé la mort et deux autres femmes furent gravement blessées dans l'effondrement d'une bâtisse au centre-ville. En 2012, en plein mois du ramadhan, toujours au centre-ville, une jeune lycéenne décède sous les décombres d'un impressionnant effondrement d'un immeuble de 3 étages.
Le nombre de blessés reste plus important. Le cycle des effondrements partiels, des chutes des plafonds, des planchers, des escaliers et des balcons ira crescendo. Il ne se passait presque pas un mois sans que les éléments de la protection civile ne répondent aux appels de secours des habitants de la vieille ville. Les responsables, eux, passeront leur temps à confectionner des études pour calmer les colères et les peurs citoyennes.
Depuis 2008, le vieux bâti de Skikda ne cessera d'être « étudié » et d'engloutir des sommes faramineuses alors que la situation ne faisait que s'aggraver. Toutes les études qui avaient été effectuées insistaient sur «l'urgence d'engager un plan de sauvetage» pour une ville qu'on maintenait «sur des béquilles». Rien ne sera fait. En 2008 déjà, le PDAU estimait le nombre de logements menaçant ruine dans la commune de Skikda à 5696 unités. C'est cinglant, mais cela n'a pas pour autant été accompagné de mesures adéquates. Tout ce qu'on s'est amusé à faire, c'était de maquiller les façades en les badigeonnant de peinture, laissant ainsi l'intérieur à ses moisissures.
Le mirage barcelonais
Puis vint l'année 2011. L'année de l'opulence financière, des 'affaires' et des chimères. Une enveloppe de 1,5 milliard fut alors dégagée pour mener à bien le projet du siècle : «la réhabilitation du vieux bâti de la ville de Skikda».
On se bousculait devant les caméras, on déclarait, on projetait, mais les ardeurs finissaient toujours par s'estomper. Dix ans après, ce projet n'en finit plus de somnoler pendant que la gangrène continuait d'achever ce qui restait de bon dans le tissu urbain de la ville.
L'opération de réhabilitation devait concerner un ensemble de 2000 bâtisses préalablement répertoriées par le CTC en s'inspirant «des travaux de restauration menés à Barcelone (Espagne)», selon des déclarations faites en 2012 à El Watan par de nombreux responsables. En 2015, on «importe» des espagnoles et on décide de prendre en charge les Arcades. On opte alors pour deux îlots qu'on devait réhabiliter avant de passer à d'autres immeubles.
L'un de ces îlots jouxtant la Casorec fut choisi pour servir de modèle de réhabilitation. Les chantiers sont alors lancés par des ravalements des façades qu'on peindra par la suite, donnant ainsi l'impression que la bâtisse était sauvée. Mensonge !
Cet immeuble qu'il nous a été donné de visiter est toujours menaçant ruine. À l'intérieur, rien n'a changé. Les fissures, la moisissure, les infiltrations sont toujours là et ne font que s'amplifier.
Que nous cache-t-on ?
Aujourd'hui, le devenir du projet de réhabilitation des Arcades et de l'ensemble du vieux bâti est en stand-by. Nos tentatives d'avoir des réponses à ce sujet sont restées vaines. Il y a comme une peur qui semble s'être emparée des administrations en relation avec le sujet.
C'est le cas de l'OPGI, partie prenante dans le dossier du vieux bâti et de sa réhabilitation. Sollicité pour répondre à quelques questions en relation avec le projet de réhabilitation, le premier responsable de l'office a accepté dans un premier temps de nous recevoir, mais, étrangement, il changera vite d'avis et ne répondra plus à nos appels. L'a-t-on instruit ou conseillé de ne pas recevoir El Watan ?
Que nous cache-t-on ? Mais ce n'est pas si étonnant. Cette ville a souvent servi de simple tremplin d'enrichissement à des responsables au mépris des besoins de ses habitants.
La preuve, trois walis et un chef de daïra qui ont eu à gérer le destin de Skikda sont aujourd'hui à la prison d'El Harrach. C'est déjà tout dire !
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