Il y a des fidélités qui traversent les générations et les épreuves du temps. Vieux militant du Front des forces socialistes (FFS), Ahmed Rezki, qui est venu dans les locaux d'El Watan, voue toujours de l'admiration au défunt Hocine Aït Ahmed, un des «historiques» de la Révolution et fondateur et président du FFS. La rencontre de cet homme âgé de 81 ans avec le jeune charismatique élu de l'Assemblée nationale constituante (ANC) a lieu, début 1963, à la rue Abane Ramdane (Alger). «Aït Ahmed venait visiblement de sortir de l'Assemblée nationale, située à quelques immeubles de là (rue Zighoud Youcef). Il était accompagné. Je l'ai abordé en lui proposant, un peu taquin, de me payer un café. Il m'a souri et m'a invité à nous attabler au Tantoville, le café du square Bresson (Port Saïd actuellement). Aït Ahmed, qui avait l'intention de créer un parti, m'a dit qu'il aurait besoin de moi quand il a su que j'allais repartir en France», se rappelle Ahmed, installé durant la guerre de Libération comme maçon dans la Meurthe-et-Moselle en France, où il était engagé dans les réseaux de la Fédération de France du FLN. Libéré à l'indépendance, Hocine Aït Ahmed est élu député de Sétif dans la première Assemblée constituante du pays. Dénonçant le «coup de force constitutionnel» mené par Ahmed Ben Bella, il créa, le 23 septembre 1963, le Front des forces socialistes (FFS), qui entend être une «organisation d'avant-garde visant à opérer le redressement et assurer la continuité de la Révolution algérienne». Avec ses compagnons, il prend le maquis. Parti en France en 1963, Ahmed Rezki, originaire de Draâ Ben Khedda (Tizi Ouzou), participe à la collecte de fonds pour l'opposition algérienne. «Nous étions organisés dans des cafés. L'ennemi, là-bas, était l'Amicale des Algériens», souligne-t-il, tenant le portrait iconique d'Aït Ahmed, le regard pétillant et la crinière poivre et sel. Après les longues années de parti unique, Aït Ahmed, en exil forcé à l'étranger, reviendra au pays le 15 décembre 1989. Ce jour-là, Rezki Ahmed rencontra pour la seconde fois son héros. Il est autorisé à le recevoir à sa descente d'avion. «J'étais autorisé à être là avec Naït Djoudi, Hadja Amar et d'autres de ce groupe restreint de 4 ou 5 personnes qui étaient là pour recevoir Aït Ahmed et lui offrir un burnous», soutient-il, nostalgique. Reçu par une foule nombreuse à l'aéroport, Aït Ahmed exprimera son «sentiment de joie et de bonheur» d'être de retour dans un pays «déchiré» après s'être enfui de prison au printemps 1966. «C'était un réel déchirement. Mais le sentiment que je ressens aujourd'hui est plus grand encore parce que je me demande, à l'âge de soixante-trois ans, qu'est-ce que je peux faire ?», lança Aït Ahmed. Et d'ajouter sur ce que compte apporter son parti à cette Algérie pleine de promesses : «Essayer d'apporter une contribution de sagesse, une certaine expérience, mais d'abord, et avant tout, renforcer la paix civile en posant les problèmes d'une manière claire et nette.» Ahmed Rezki raconte ses activités dans le parti et les dizaines de tracts imprimés avec ses propres moyens pour faire adhérer les Algérois au parti d'Aït Ahmed. «J'ai assisté au meeting de la salle Atlas en 1991. Je suis resté fidèle à l'homme qui a refusé l'offre de devenir chef de l'Etat. Aït Ahmed est resté l'homme du peuple», affirme le vieux militant en montrant une coupure de journal (entretien de Ali Haroun publié par El Watan le 28 décembre 2015). Advertisements