Un jour, dans ma cuisine, j'ai maladroitement écrasé une capsule de café que je venais de préparer. Très rapidement, je décide d'en faire un collier. Le résultat était joli et a beaucoup plus à mon entourage», se rappelle Djamila Bekkour, 52 ans, artiste. Son art n'est donc que le fruit du hasard et a une particularité : Il est éco-responsable. Ses créations sont réalisées à base de capsules de café usagées. «J'ai d'abord commencé mon activité chez moi. J'ai aménagé une des pièces de ma maison en atelier. Mais j'ai vite changé d'avis et décidé de prendre un local car j'avais besoin de me concentrer», raconte-elle. Et c'est désormais, au niveau du local 58, du Bazar Ali Mellah, à Alger, qu'elle laisse le libre champ à sa créativité. Si, aujourd'hui, elle est pleinement épanouie dans ce qu'elle fait, cela n'a pas toujours été le cas. «En fait, j'ai toujours eu un don pour le dessin. Une fois le bac en poche, je souhaitais intégrer l'école des beaux arts. Sauf que mon père était contre et préférait que je sois ingénieur ou médecin. J'ai alors rejoint l'université de Bab Ezzouar où j'ai obtenu mon diplôme d'ingéniorat». Par la suite, elle a occupé plusieurs postes dans divers secteurs. Après une carrière de 25 ans, elle se rend compte qu'elle n'a jamais été épanouie dans son travail. «Etant passionnée par l'art et le recyclage, un travail conventionnel n'était pas fait pour moi», confie-t-elle. Elle a donc tout naturellement décidé de tout plaquer et de se lancer. Si au primaire, elle dessinait les héroïnes des dessins animés sur le tableau, aujourd'hui, elle crée ses propres figurines. L'activité étant nouvelle, elle a donc développé ses propres techniques qu'elle alterne ne fonction de ce qu'elle souhaite confectionner. A titre d'exemple, si elle souhaite créer une figurine, elle commence par écraser la capsule à l'aide d'un objet pas très dur. «Je peux l'écraser avec mon étuis à lunettes comme avec mon pot de stylos», explique-t-elle. Et pour cause : Elle veille à ce que la capsule ne soit pas abîmée car l'aluminium qui l'a constitue est très fragile. Elle ''remonte'' ensuite la capsule écrasée pour lui redonner un semblant de sa forme initiale, quoique plus froissée. «Je découpe ensuite le filtre se trouvant à sa tête et je commence à l'onduler à l'aide d'une pince spécifique pour créer un plissé et je fini le travail au doigt pour ne pas l'abîmer», explique-t-elle. Ce sera la jupe de la figurine. «En fait, il fallait que je trouve le juste dosage entre la manipulation avec les outils et le travail manuel pour ne pas abîmer la capsule», justifie-t-elle. Une fois la jupe terminée, elle l'accroche à une sorte de petit clou qui constituera la colonne vertébrale de sa figurine. Une perle fera ensuite office de tête. Elle découpe ensuite les parties en plus. Pour ce qui est des bras, elle les réalise à l'aide d'une ficelle. Environnement Les traits du visage seront rajoutés à la fin au feutre. «La majeure partie de mes figurine sourient. «Je considère qu'elles sont contentes de ne pas finir à la décharge et nuire à l'environnement. Je leur dessine donc tout naturellement un sourire», ajoute-elle. Tout dépend de la figurine souhaitée, elle rajoute les accessoires adéquats et ce, toujours a partir d'une nouvelle capsule. «Une poupée chinoise, par exemple, a besoin d'un chapeau que je confectionne également à partir d'une capsule», précise-t-elle. En dehors des figurines, Mme Bekkour réalise également, toujours à partir de capsules usagées, des bijoux dans différents styles : Berbère, touareg, africain, etc. Et pour cela, elle fait très attention aux couleurs des capsules. A cet effet, elle assure : «Certaines sont rares. Je préfère donc les réserver pour des bijoux spéciaux.» Pour réaliser un collier berbère, elle commence par écraser la capsule. Elle découpe ensuite le filtre. Tout comme pour la jupe de ses figurines, elle plisse la capsule. Elle vient ensuite coller un bout de galant berbère qu'elle a également récupéré de chez les couturières. Au niveau de la tête de ce nouveau bijou fraîchement né, elle rajoute des perles aux couleurs berbères pour rappeler le thème. Un fil en daim, également récupéré fera office de chaîne pour le collier. «J'aime travailler avec des matériaux nobles. Je souhaite à tout prix m'éloigner de tout ce qui est plastique», confie-t-elle. Pour un rendu encore plus beau, elle fini par une couche de vernis à ongles transparent pour donner de la brillance. «Lors de mes expositions, rares sont ceux qui devinent la base de mes bijoux. Beaucoup confondent l'aluminium de la capsule avec du cuire», assure-t-elle. Ainsi, tout dépend de l'usage que je souhaite en faire. Mme Bekkour utilise entre 2 et 6 capsules par création. Elle recycle donc, en moyenne, quelques 1200 capsules usagées par an. Ces capsules, elle se les procure principalement des cafés. Mais pas que ! «Lorsque la grande chaîne de café capsule s'est installée en Algérie, je me suis donc rendu chez eux et demandé à ce qu'ils me donnent les capsules qui ont servi pour les dégustation. Ils ont évidemment accepté», raconte-t-elle. Ajoutant que les réseaux sociaux ont également contribué dans sa collecte : «Les gens ont apprécié ce que j'en faisais et m'ont proposé de me donner leurs capsules usagées.» Une fois chez elle, Mme Bekkour les nettoie à l'eau chaude et une goutte d'eau de javel pour éliminer tout microbe. «Le marre de café, je l'utilise comme engrais pour mes plantes. En fait, je ne jette rien. Je recycle tout», dit-elle fièrement. Assurant qu'un geste, aussi minime soit-il peut être utile dans la protection de l'environnement. «Les capsules de café mettent des centaines d'années pour se décomposer. Elles sont donc fortement nuisibles pour l'environnement. Leur recyclage est donc essentiel et quoi de mieux que des figurines pour enfants ou des bijoux pour se faire !», conclut-elle.