Chef de service à la clinique des maladies respiratoires Ibn Zohr au CHU Mustapha, Pr Nafti aborde dans cet entretien les problèmes de l'allergie, les facteurs de risque et la prévention. Le nombre de personnes allergiques semble connaître une progression alarmante en Algérie. Comment expliquez-vous cet état de fait ? L'allergie est une réaction excessive à un allergène, substance à l'origine non pathogène et présente dans l'environnement, cependant, il semble que l'allergie survienne plus volontiers chez les personnes qui ont été peu exposées aux agents infectieux au cours de leur enfance aussi l'hypothèse hygiéniste pourrait expliquer l'augmentation de l'incidence de l'allergie. Une personne sur 5 est allergique des 20% des patients sensibilisés aux allergènes aéroportés. Ainsi, l'allergie est une maladie classée par l'OMS au 4e rang mondial des pathologies. Le risque de terrain allergique est majoré en cas d'antécédents personnels ou familiaux d'allergie on sait que le risque de développer une symptomatologie allergique est de 30% si l'un des 2 parents est allergique et de 70% si les deux parents sont allergiques. De plus certains facteurs environnementaux participent au déclenchement ou à l'aggravation de la pathologie allergique (polluants domestiques ou extérieurs). En Algérie, tous ces facteurs sont réunis. En effet, l'amélioration des conditions d'hygiène est patente dans la population générale et les bouleversements que connaît la société sont édifiants. Changement des conditions de vie, nouveaux matériaux de construction, confinement, chauffage, forte urbanisation, pollution domestique, tabagisme, pollution environnementale due en grande partie à une circulation automobile sans cesse croissante avec l'utilisation de carburants polluants (gasoil...). Quelques chiffres : 3,2 à 6,5% des Algériens souffrent d'asthme dont près de 50% sont d'origine allergique. 25 à 30% des Algériens souffrent de rhinites, dont 35 à 40% sont d'origine allergique, 2/3 saisonnières et 1/3 annuel. 35 à 40% des rhinites non traitées évoluent en asthme. Quels sont les facteurs qui provoquent le plus l'allergie ? Les facteurs qui provoquent le plus l'allergie sont multiples et variés. Depuis la piqûre d'abeille ou de guêpe, en passant par le contact d'une plante (ortie) ou d'un gant en latex jusqu'à l'absorption de lait, d'œuf, de poissons ou même de fruits et parfois de médicaments. Enfin, l'inhalation de poils de chat, de poussières domestiques (acariens) ou de pollen représentent les facteurs les plus fréquents qui peuvent provoquer l'allergie. Il ne faut pas oublier l'importance des variations climatiques qui doivent nous permettre d'analyser l'impact des allergies aéroportées soumis à des conditions hyperfavorables pour accentuer la sensibilisation et aggraver les réactions allergiques. Tout le monde sait que les asthmatiques se plaignent fréquemment d'une exacerbation de leurs symptômes en cas de changement de temps. L'influence de la pluviométrie et de la température sur une moisissure hautement allergène : alternairia est actuellement bien connue. On sait aussi que les turbulences orageuses provoquent de fortes concentrations de pollen, etc. Comment expliquez-vous les phénomènes des allergies croisées ? On parle de réaction croisée lorsqu'une molécule de reconnaissance est capable de se combiner avec un antigène autre que celui qui a stimulé sa synthèse ou plus simplement l'allergie croisée s'explique par le fait qu'il existe des allergènes très voisins chez les espèces les plus proches sur le plan antigénique. Pour mieux illuster l'allergie croisée, 2 exemples. Les sujets allergiques à la farine de blé ne tolèrent aucune céréale (orge, maïs, riz, millet...) en raison d'une allergie croisée ; les sujets allergiques aux crevettes ne tolèrent ni les crabes, ni les homards, ni les langoustines. Est-ce que les allergies sont toujours diagnostiquées à temps ? Reconnaître une allergie est en général aisé aussi bien pour le médecin que pour le patient car les symptômes en faveur de l'allergie sont faciles à reconnaître : circonstances d'apparition, évolution... Cependant, certaines allergies sont banalisées ou négligées par les patients qui ne consultent qu'en cas de complications. Par contre, certaines manifestations entraînent des symptômes graves (crise d'asthme, conjonctivite, urticaire généralisé, œdème laryngé...) qui obligent le patient à consulter en urgence et le médecin à agir rapidement au risque d'exposer le malade à des complications graves. Ce qui est par contre plus difficile, c'est d'identifier la cause de cette allergie : asthme (acariens ? pollens ? profession ? chat ?...) allergie alimentaire (œuf ? poisson ? fruit ? carotte ? persil ? A ce moment, la recherche étiologique fait appel à un bilan allergologique complexe et sophistiqué dont les résultats ne sont pas toujours concluants, ce qui explique le retard dans le diagnostic et donc le traitement. Quels sont les moyens de prévention des allergies ? Le moyen de prévention le plus efficace est représenté par l'éviction de l'allergène quand cela est possible. Il est facile de supprimer de son alimentation des œufs ou des crevettes, un peu moins facile de se séparer de son chat si ses poils sont responsables de l'allergie mais il est plus difficile pour un menuisier ou un boulanger de changer de métier quand leur allergie est due aux poussières de farine ou de bois. Il est encore plus difficile pour eux de trouver un autre « job » avec pour conséquence de reconnaître le caractère professionnel de la maladie avec tout ce qui en découle (réparation, indemnisation...) Est-ce qu'il y a des mesures spécifiques dans l'utilisation de certaines matières allergisantes ? Les mesures spécifiques à prendre doivent être à la fois techniques collectives (suppression ou réduction de la substance allergisante), techniques individuelles (port de masque...) et médicales (surveillance des sujets exposés). En plus de l'éviction ou quand celle-ci est inefficace, il faut proposer les traitements symptomatiques à base d'antihistaminiques, de corticoïdes, de cromones et enfin l'immunothérapie spécifique encore appelée désensibilisation dont l'efficacité a été reconnue dans le traitement et la prévention de la rhinite et de l'asthme allergique par plusieurs consensus récents (OMS - ARIA).