« La mer Méditerranée est malade. » C'est ce qu'a déclaré Fouad Abousamra, un expert qui a pris la parole lors d'un atelier de travail organisé par le Plan d'action pour la Méditerranée (PAM), du 7 au 9 avril, à Malte. Le PAM fait partie du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) et implique aujourd'hui 21 pays riverains de la Méditerranée. A l'origine, il a été adopté en 1975 par 16 pays pour relever les défis de la protection de l'environnement marin et côtier. Il s'est doté, en 1976, d'un cadre juridique : la Convention pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution, dite Convention de Barcelone. Pour permettre aux médias méditerranéens de mieux comprendre les enjeux de cette convention, le PAM a donc organisé un atelier de travail qui a réuni une vingtaine de journalistes du Maroc, d'Algérie, de Tunisie, de Libye, d'Italie, de France, d'Egypte, d'Israël, de Slovénie, de Bosnie ou encore du Monténégro. L'île de Malte n'a pas été choisie par hasard : l'actuel ministre maltais du Tourisme et ancien ministre de l'Environnement, Francis Zammit Dimech, a rappelé la position stratégique de l'archipel, « au cœur de la Méditerranée » et noté que le premier centre régional du monde créé pour porter assistance aux pays dont les écosystèmes étaient en danger, le ROCC, avait été ouvert à Malte en 1976. En outre, le coordinateur du MAP, Paul Misfud, est lui-même maltais. Pendant trois jours, les échanges ont porté sur les agressions dont est victime la mer Méditerranée, plus particulièrement sur les sources de pollution terrestres. Les activités humaines ont lieu à 80% sur terre. Elles sont liées à la pression démographique, à l'extension des villes ainsi qu'au développement industriel et agricole. La pression démographique tout d'abord : la population des Etats côtiers a quasiment doublé ces 40 dernières années, atteignant aujourd'hui quelque 150 millions de personnes, et, pendant la période estivale, 200 millions de touristes envahissent les côtes méditerranéennes. Actuellement, un tiers de la population de la région est concentré sur la frange littorale. Ce phénomène entraîne l'augmentation du nombre de voitures par habitant, de la production des déchets ménagers et de la demande en eau potable. Les volumes d'eaux usées municipales sont de plus en plus importants alors que les stations d'épuration existantes ne desservent que 55% des villes côtières de plus de 10 000 habitants. En 2001, 63% des eaux usées urbaines d'Algérie ont été déversées dans la Méditerranée sans avoir été traitées et Alger arrive à la 9e position des villes qui rejettent en mer le plus de déchets domestiques. Quant aux déchets solides, ils ne sont généralement pas collectés dans les normes. Le manque de responsabilité des pouvoirs publics fait qu'ils peuvent se retrouver dans des décharges non autorisées ou être jetés directement dans les eaux ou sur les plages par la population. Le MED Pol, le programme environnemental du PAM pour le contrôle de la pollution, a d'ailleurs édité un guide pour aider les pays à résoudre ces problèmes. Autres pressions notables : le développement de l'agriculture (avec une augmentation des surfaces irriguées et de la consommation d'engrais et de pesticides), de l'industrie (avec une augmentation des déchets industriels) et du tourisme. En ce qui concerne l'industrie, bon nombre de pays stockent des produits chimiques obsolètes, souvent près des côtes, et ne savent qu'en faire. L'Algérie, par exemple, stockerait quelque 190 000 kg de pesticide Aldrin, à différents endroits du pays, arrivant bien devant la Turquie (11 000 kg) ou le Maroc (7500 kg). Toutes ces pressions ont bien sûr un impact sur l'environnement et la biodiversité. Face à une urbanisation croissante, les gangs de pilleurs de sable s'organisent, comme en Algérie, pour approvisionner le marché de la construction. 85% des 300 km de plages algériennes sont régulièrement pillées et perdent entre 0,30 et 10,4 m par an ! A Béjaïa, la plage a reculé de 345 m de 1959 à 1995 et ce problème se retrouve à Boumerdès, Macta ou Beni Saf. Enfin, la Méditerranée, même si elle ne représente que 0,7% des mers du globe, supporte 30% du commerce maritime mondial et 22% du transport international de pétrole. Entre 100 000 et 150 000 t de pétrole voyagent sur ses eaux par an et 376 accidents ont eu lieu entre 1977 et 2003 et ont été cause de pollution. Les experts pensent que plus de 305 000 t de pétrole ont été déversées de façon accidentelle en Méditerranée. « Rejeter toutes sortes de déchets dans la mer est la façon la plus rapide, la moins chère et la plus pratique de s'en débarrasser. La mer a de remarquables capacités d'absorption, mais la Méditerranée est une mer fermée et elle n'est plus capable de digérer toutes les toxicités que l'homme lui déverse », assure Francesco Saverio Civili, coordinateur du MED Pol. Alors que faire ? « Recenser toutes les sources de pollution et les endroits à risques et apporter une solution adaptée à chaque pays. » Le SAP, un programme d'action contre les sources de pollution terrestres, a déjà été adopté formellement en 1997, mais il a besoin d'argent pour mobiliser les Etats et atteindre ses objectifs. Et le MED Pol espère que le Protocole sur l'eau et la santé, adopté en 1999 par la troisième conférence ministérielle sur l'environnement et la santé, sera prochainement ratifié par tous les pays qui ont adhéré au PAM. 8 pays sur 22 ne l'ont toujours pas fait (dont l'Algérie, l'Egypte et la Libye) et il manque seulement trois ratifications pour que protocole soit accepté. Enfin, les experts présents lors de l'atelier comptent sur la mise en place de programmes nationaux et régionaux, accompagnés de contrôles et de sanctions dans chaque pays. Pour que la Méditerranée ne soit plus considérée comme une vaste poubelle à ciel ouvert.