Un véritable séisme vient de secouer le tribunal de Koléa. Ainsi, après le limogeage du procureur adjoint, il y a une semaine, la chancellerie vient de suspendre le procureur de juridiction, son président et le juge d'instruction de la première chambre. Même si officiellement aucune information n'a filtré sur ces décisions, celles-ci se sont répandues comme une traînée de poudre dans le milieu judiciaire. Selon nos sources, il s'agit de mesures administratives prises par les plus hauts responsables au niveau du ministère de la Justice, en attendant que les dossiers des mis en cause soient examinés par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) qui, faut-il le rappeler, attend depuis plus de deux mois d'être installé par le président de la République. Toutes les audiences de ce tribunal ont été renvoyées, alors que d'autres magistrats ont été installés à la place des partants. D'après nos interlocuteurs, la suspension des trois magistrats est intervenue après que l'inspection générale eut enquêté pendant une vingtaine de jours sur la gestion d'une affaire liée à un des barons de Koléa, arrêté il y a quelques jours par les services de la police judiciaire à Alger et mis sous mandat de dépôt pour fausses déclarations fiscales et douanières, minoration de valeurs, évasion fiscale, blanchiment d'argent et transfert illicite de devise vers l'étranger. Ce richissime commerçant, devenu très influent grâce à son empire financier, avait, grâce à ses relations, réussi à faire étouffer deux plaintes déposées à son encontre par des citoyens auxquels il avait remis des chèques sans provision d'un montant de 110 millions de dinars. Une des victimes de cette escroquerie a saisi la chancellerie et remis un dossier complet sur ce qu'elle a qualifié de « complicités » dont le baron bénéficiait auprès des magistrats du tribunal de Koléa, lesquels ont tout fait pour que sa plainte pour émission d'un chèque sans provision, d'une valeur de 50 millions de dinars, n'aboutisse pas à l'incarcération du commerçant. Après l'arrestation de ce dernier par la police et ses révélations sur les relations qui le liaient à de hauts responsables de l'administration ainsi qu'avec la justice et les services de sécurité, l'enquête de la chancellerie a abouti à la suspension des trois magistrats ayant géré l'affaire des plaintes relatives à l'émission de chèques sans provision. Il s'agit du procureur du tribunal de Koléa, du président de la même juridiction et du juge de sa première chambre. A signaler que le procureur adjoint de ce tribunal a été relevé, lui aussi, mais dans le cadre d'une autre affaire. Le magistrat avait, dans une altercation avec ses voisins, fait usage de son arme blessant certains d'entre eux dont une mère de quatre enfants. Celle-ci avait déposé plainte pour coups et blessures volontaires ayant nécessité un arrêt de travail de 15 jours, mais aucune suite n'a été donnée à sa requête du fait qu'elle atterrissait à chaque fois au niveau de la juridiction du magistrat en question. Il aura fallu qu'elle saisisse la chancellerie et qu'elle écrive au Président à travers la presse écrite pour que son appel soit entendu et que sa plainte suive son cours normal. Après trois ans, le magistrat a été suspendu de son poste et remplacé par un autre venu de la juridiction de Chéraga. C'est la première fois dans l'histoire de la justice qu'une juridiction soit décapitée par de telles décisions prises en même temps. La réaction, même un peu tardive de la chancellerie, vient à point nommé rétablir une confiance entre les justiciables et leur justice qui commençait à s'effriter du fait du comportement de ceux censés être payés pour faire appliquer la loi et rien que la loi. M'hamed H., Salima Tlemçani