Le mouvement dans le tribunaux militaires vient d'être rendu public au Journal officiel. Un mouvement ordinaire, diront les observateurs, mais qui aux yeux des plus avertis prouve encore une fois que les juridictions militaires restent encore loin des normes de justice et d'indépendance. En effet, dans ce changement qui a touché cinq tribunaux militaires, les changements ont été vraiment superficiels et restent, selon des sources proches de l'institution, seulement formels, d'autant que le tribunal le plus important parmi les six régions militaires, à savoir celui de Blida, n'a pas été concerné. Le procureur, le colonel Cheurfa Abdelkader, cumule près d'une dizaine d'années d'exercice, alors que de tels postes de par leur importance nécessitent des mouvements réguliers pour éviter toute dépendance et faciliter l'accès à cette responsabilité aux nombreux jeunes magistrats militaires sortis des écoles. Blida non concernée Pour nos sources, le changement opéré par le ministère de la Défense était obligatoire dans la mesure où le poste de procureur près le tribunal militaire d'Oran était vacant du fait que son occupant, le colonel Abdelkader Ouchène, avait fait valoir son départ à la retraite. Quelques permutations ont été par la suite opérées sans pour autant procéder à un véritable changement qui aurait permis l'arrivée de jeunes magistrats. Ainsi dans l'arrêté publié récemment dans le Journal officiel, le mouvement a touché les tribunaux militaires de Blida, d'Oran, de Constantine, de Tamanrasset et de Ouargla. Pour ce qui est des changements de procureurs de tribunaux, seuls le procureur de Blida n'a pas été concerné. Le procureur militaire d'Oran, le colonel Abdelkader Ouchène, a cédé son poste au commandant Abdelkader Kassoul, lequel exerçait en tant que juge d'instruction près la même juridiction. Le procureur de Ouargla, le lieutenant-colonel Miloud Daoui, nommé procureur près le tribunal de Constantine à la place du colonel Tahar Mordjana, a laissé sa place au colonel Rabah Kalli qui occupait précédemment le même poste à Tamanrasset avant qu'il ne soit affecté au colonel Badreddine Mahi. Des permutations et de nouvelles nominations ont touché les postes de procureur adjoint et de juge d'instruction auprès des mêmes tribunaux. A Blida, il a été mis fin aux fonctions du commandant Hocine Amalou, procureur adjoint et le capitaine Chaâbane Bahloul, juge d'instruction, pour être remplacés par le capitaine Abdelhakim Bennouar, en tant que procureur adjoint, et le capitaine Abdesmad Réda Bouamama. A Oran, il a été mis fin aux fonctions de juge d'instruction exercées par le capitaine Youcef Bouyedda, le lieutenant-colonel Badreddine Mahi et le commandant Abdelkader Kassoul. Ces derniers ont été remplacés par le colonel Banina Benmessaoud en tant que procureur adjoint et le capitaine Youcef Benyedda en tant que juge d'instruction. Au tribunal militaire de Béchar, il a été mis fin aux fonctions du procureur adjoint, le commandant Nacer Boualem, devenu juge d'instruction au même tribunal, au juge d'instruction, le capitaine Yacine Cheurfa. Suspicion A Ouargla, le colonel Banina Benmessaoud, procureur adjoint, et le capitaine Abdesmed Réda Bouamama ont quitté leur poste, alors que le capitaine Yacine Cheurfa a été nommé au poste de juge d'instruction près la même juridiction. Pour ce qui est du tribunal militaire de Tamanrasset, le ministère a mis fin aux fonctions du commandant Abdelwahab Chelbab, en tant que procureur adjoint, et du commandant Abdelaziz Benouala, en tant que juge d'instruction. Leurs postes ont été affectés au commandant Hocine Amalou (en tant que juge procureur adjoint) et au commandant Abdelwahab Chelbab (en tant que juge d'instruction). Au tribunal de Constantine, le changement a touché le poste de procureur adjoint, avec le départ du colonel Abdelaziz Méziane, et l'affectation du commandant Abdelaziz Benouala, en tant que juge d'instruction. A signaler que les tribunaux militaires sont contrôlés par la Cour suprême, la seule voie de recours pour les justiciables et la seule institution de contrôle. Il reste néanmoins cette suspicion qui entache certains procès, notamment lorsque les tribunaux militaires jugent des affaires civiles. C'est le cas par exemple de l'affaire BRC (algéro-américaine), dont le patron, Abdelmoumen Ould Kaddour, est détenu depuis des mois à la prison militaire pour une affaire d'écoute téléphonique. A ce jour, l'opinion publique ne sait pas dans quelles circonstances ce dossier a été pris en charge par le tribunal militaire. Les craintes de voir cette affaire sortir du cadre de la justice ont été exprimées par de nombreux hommes de loi qui voient la mainmise du commandement de l'armée sur les magistrats militaires comme une violation du droit à un procès équitable. De ce fait, bon nombre de juristes souhaitent une réforme du code de la justice militaire afin de protéger les magistrats des tribunaux et leur garantir de meilleures conditions d'exercice de leur métier. Pour les partisans de cette revendication, il est nécessaire de réunir les magistrats militaires et civils pour en faire une seule famille avec une seule charte d'éthique et une institution garante de leur carrière professionnelle, à savoir le Haut Conseil de la magistrature. Un rêve que caressent de nombreux juges militaires.