La forêt de Bouchaoui est l'un des rares espaces boisés à attirer des centaines de familles et promeneurs. Le vendredi, dès 9 h 30, de longues files de voitures franchissent le grand portail qui délimite l'entrée. Les premiers arrivés sont les sportifs et les pique-niqueurs. En effet, cette forêt demeure l'endroit privilégié pour faire son jogging hebdomadaire, de la musculation ou de la marche. Un parcours dédié au footing a d'ailleurs été aménagé. Des dizaines de sportifs l'arpentent, en groupes ou en solo, sous le regard bienveillant des gendarmes, qui y effectuent des patrouilles sans discontinuer. « Pour rien au monde, je ne raterai ce décrassage, nous révèle un quadragénaire, c'est le meilleur moyen de chasser stress et tension et de se refaire un moral en béton. » Grand bol d'air oxygénant, tout au long de ce parcours qui donne sur un champ où fleurissent, en cette saison, narcisses, coquelicots et marguerites. Seule fausse note à ce tableau idyllique, les égouts déversés par les nouvelles villas, en plein air ! Autre option pour tous ceux qui désirent se fabriquer des muscles en tablette de chocolat : une salle de musculation, sous les pins. En ce vendredi matin, des groupes d'adhérents suent sang et eau, pour se construire des biceps en acier. « Cela coûte 50 DA l'heure et 500 DA pour un abonnement mensuel », nous renseigne l'un d'entre eux. Un peu plus loin, chevaux et calèches sillonnent les bois. On se croirait catapulté en direct dans un épisode de la série La petite maison dans la prairie, il ne manque plus que la famille Ingalls ! Noir, blanc, marron, gris...les chevaux se comptent par dizaines. Des enfants, dont l'âge oscille entre 5 et 15 ans, choisissent le plus beau à leurs yeux. Ainsi, pour un instant, ils se transforment en cavalier du far west. Petit tour : 50 DA, grand tour : 300 DA, un commerce qui rapporte gros à en juger une ribambelle d'enfants qui se bousculent pour monter sur la selle. Une véritable aubaine pour les propriétaires qui déploient des trésors d'imagination afin de donner un look sympa à leurs équidés : collier de marguerites autour du cou, queue de cheval en tresses, front peinturluré...on met le paquet pour attirer le maximum de clients et, apparemment, ça marche ! « Je veux ce cheval blanc avec des fleurs au cou », martèle un petit garçon, en tirant ses parents par la manche. Quant aux propriétaires, ils se frottent les mains devant les recettes réalisées notamment durant les vacances et les week-ends. « Le vendredi, il arrive que je me fasse jusqu'à 8000 DA », nous révèle l'un d'entre eux. De quoi donner envie à certains de changer de profession ! Un centre de proximité de la Gendarmerie nationale été installé à l'intérieur de la forêt. Les hommes en vert sont déployés partout. Ils règlent la circulation, aident les conducteurs à se garer et veillent, comme le lait sur le feu, sur la sécurité des promeneurs. A noter que tous les parkings sont gratuits, et ce, grâce aux éléments de la gendarmerie qui ont chassé les pseudos gardiens qui, pendant longtemps, soutiraient de l'argent aux automobilistes en s'autoproclamant gardien avec un gourdin à la main. Des aires de jeux ont également été aménagées. A noter toutefois que ces infrastructures n'ont pas été rénovées depuis de nombreuses années. Certains toboggans et balançoires sont complètement rongés par la rouille. Par ailleurs, leur nombre reste insuffisant par rapport à la forte influence des enfants. Côté consommation, d'innombrables commerces ont investi les lieux. Limité à deux cafétérias seulement, il y a une décennie, cet espace boisé a vu le nombre de pizzerias, cafétérias, salons de thé et autres vendeurs de friandises, barbe à papa et jouets, s'agrandir. Ici, on peut manger des grillades ou siroter un café en plein air, sous les pins. Quant aux pique-niqueurs, ils débarquent tôt le matin, les bras chargés de couffins à provisions, squattant les plus belles clairières. « Les meilleures places sont prises le matin », confie un père de famille occupé à installer son campement. Des petites filles et garçons, âgés entre 5 et 8 ans, arpentent les bois, cou et bras chargés de colliers de marguerites jaunes (20 DA le collier). Après avoir été désertée par la population durant la décennie noire, la forêt de Bouchaoui a reconquis les Algérois. Les week-ends, cet endroit enregistre des records d'affluence à tel point qu'il est difficile de trouver la moindre petite place où parquer son véhicule. Une situation qui devrait pousser les autorités concernées à aménager d'autres bois de ce genre.