Jamais l'Algérie n'a autant importé qu'en l'an 2004. 18,2 milliards de dollars : le chiffre est hallucinant pour qui se souvient de 1993, année de « l'économie de guerre » avec moins de 7 milliards de dollars à consacrer à l'approvisionnement du pays et... au remboursement du service de la dette. Depuis le début de l'année, le boom des recettes des exportations a masqué, dans le débat économique, celui des importations. Ces dernières ont progressé de 34% en une seule année. Plus que les exportations. En montant brut, le bond est tout aussi spectaculaire : en 2004, l'Algérie a dépensé pour ses importations 4,4 milliards de dollars de plus qu'en 2003. Bien sûr, on pourra toujours argumenter qu'une partie de cette hausse est due à la forte dépréciation du dollar face à l'euro durant l'année 2004. En un mot, là où il suffisait de 100 dollars pour faire un achat dans la zone euro en 2003, il en a fallu 115 à 120 pour le même produit en 2004. Or près de la moitié des importations algériennes viennent de la zone euro avec 41% pour le quatuor France, Italie, Allemagne et Espagne. Mais tout cela ne peut compter plus que 6 ou 7 points de hausse dans le total, bien moins d'un milliard de dollars sur la facture. L'effet volume dans le boom des importations algériennes est bien plus important. L'économie algérienne importe plus de quasiment tout. Préoccupant a priori. A l'observer de plus près, cet « effet volume » dit bien que l'activité est repartie de l'avant. Bonne nouvelle : près de 40% du total des importations sont occupés par les biens d'équipement industriels et agricoles, autant de choses dont en a besoin pour renouveler, élargir ou implanter l'outil de production. C'est la forte croissance de la demande de ces produits qui tire pour l'essentiel les importations algériennes. Le parc de production s'élargit et celui en place est gourmand en intrants. Il aura fallu attendre dix années pour retrouver le cercle vertueux de Michel Camdessus. En 1994, le directeur général du Fonds monétaire international (FMI) justifiait le rééchelonnement algérien en affirmant qu'il apporterait les devises qui manquaient à l'outil de production pour s'approvisionner sur le marché extérieur en matières premières et en semi-produits. On sait ce qui en advint. Les entreprises publiques qui tenaient le gros de « l'outil de production » avaient une trésorerie sinistrée en dinars. Non éligibles au commerce extérieur libéré. Ce n'est que maintenant - ces deux ou trois dernières années - que l'outil de production consomme à plein régime des importations nécessaires à son fonctionnement. Mais ce n'est plus tout à fait l'outil de 1994. Celui-là est désormais dominé par les entreprises et les opérateurs privés. Un quart des importations remplit cette fonction d'approvisionnement de l'outil de production. Ce groupe a progressé de 25% en 2004 et a englouti 4,6 milliards de dollars. En définitive, ce chiffre comme les autres sont catégoriques. L'économie algérienne va mieux, la preuve est qu'elle importe plus pour sa production. Mais elle n'a pas changé depuis dix ans. Car opérateurs publics ou opérateurs privés, sa dépendance à l'égard des importations d'intrants et de semi-produits est intacte. Il faut juste s'en souvenir pour les mauvais jours.