Profitant d'une embellie financière exceptionnelle grâce à l'envolée des prix du pétrole, notre pays a bouclé rapidement son processus de désendettement auprès du Club de Paris (cartel des pays créanciers) et du Club de Londres (groupe informel de créanciers bancaires privés). Le geste est d'abord symbolique. L'Algérie, qui s'était résigné, dans les années 90, à passer sous les fourches caudines du Fmi, veut montrer qu'elle va beaucoup mieux. L'ancien chef du gouvernement, M. Ahmed Ouyahia, justifiait la décision de rembourser une partie de la dette publique par anticipation par le fait que cela entraînerait la réduction de la dépense extérieure en intérêts sur la dette, l'amélioration de l'appréciation économique extérieure du pays et le renforcement de la sécurité financière. Qu'en est-il réellement ? Dans une communication publiée récemment dans le journal « El Watan », l'ancien chef du gouvernement algérien, M. Benbitour, a exprimé une certaine circonspection quant au remboursement anticipé de la dette publique algérienne. Pour lui, le paiement anticipé de la dette extérieure ne peut obéir, dans les circonstances actuelles de l'Algérie, qu'à un calcul de coûts bénéfices très marginal. « Il ne s'agit certainement pas, soutient M. Benbitour, d'une stratégie qui relèverait d'une politique d'indépendance ou de baisse de vulnérabilité. Le paiement anticipé concerne la dette et les intérêts exigibles sur la période 2006-2011, date à laquelle la dette serait totalement payée, selon la planification initiale de 1994. Donc payer pour une valeur de 8 milliards de dollars de cette dette en 2006 ou la laisser étalée sur les cinq années restantes ne peut présenter un enjeu majeur, car cette somme représente moins de 5% du niveau des réserves de changes anticipé en 2011 ou une variation des recettes sur une année correspondant à 10 dollars d'augmentation des prix », écrit M. Benbitour. En résumé, tranche l'ex-chef du gouvernement, « c'est un moindre mal, sans plus ». Des chiffres et des dettes Deux jours plus tard, le ministre des Finances, M. Medelci, a fait une déclaration qui sonne comme une mise au point. « L'Algérie, a-t-il dit, a remboursé par anticipation une dette externe de plus de 12 milliards de dollars et a économisé, en conséquence, un montant de l'ordre de 2 milliards de dollars au titre des intérêts. » Le ministre a ainsi indiqué que les 12 milliards de dollars payés par anticipation se composent de la dette rééchelonnée contractée auprès du Club de Paris (7,9 milliards de dollars), du Club de Londres (près de 800 millions de dollars) ainsi que des crédits multilatéraux pour un montant de près de 4 milliards de dollars contractés auprès des institutions financières internationales (Banque mondiale, Banque africaine de développement...). L'Algérie aura donc réussi à économiser un montant — non négligeable, selon lui — de près de 2 milliards de dollars au titre des intérêts, des commissions du service de la dette et des autres charges financières assortissant les prêts contractés et qui devaient être remboursés, selon l'échéancier initial, entre 2006 et 2011. En ajoutant à ces accords celui de l'annulation de la dette algérienne avec la Russie, estimée à 4,737 milliards de dollars, l'Algérie s'est désendetté globalement entre 2004 et 2006 d'une dette externe pour un montant de 16 milliards de dollars, a-t-il encore précisé. Au terme de tous ces remboursements, le montant de la dette extérieure de l'Algérie devrait tomber aux alentours de 4 milliards de dollars à la fin de l'année en cours contre près de 16 milliards de dollars en janvier dernier. A-t-on bien fait de payer cette dette ? Difficile à dire, estime-t-on, dans la mesure où les modalités de paiements et les pénalités n'ont pas été dévoilées. L'on ne sait, par ailleurs, toujours pas de quelle manière payera-t-on le restant de la dette vers l'Allemagne (près de 300 millions de dollars), considérée comme la plus chère du fait que le taux d'intérêt avoisine les 11%. L'autre question qui se pose concerne le devenir du fonds de régulation qui a été instauré pour faire face au remboursement de la dette extérieure. Selon M. Benbitour, sur ces 1368 milliards de dinars qui étaient dans ce fonds, seulement 115 milliards de dinars (8,40%) ont servi à cette fin en 2005. Si l'on considère la période 2001-2005, on se trouve, d'après lui, avec le chiffre « énorme » de 2591 milliards de dinars (36 milliards US) passés par ce fonds et non inscrits au budget, donc disponibles pour être utilisés de façon discrétionnaire, en dehors de tout contrôle parlementaire. Quoi qu'il en soit, l'Algérie peut aujourd'hui se vanter du fait que sa dette extérieure représente moins de 4% du PIB ou encore 10% environ des recettes d'exportation attendues pour 2006. L'Algérie, qui n'a plus rien emprunté depuis 2005, aura versé en 20 ans (1985-2005) au titre de la dette quelque 117,9 milliards de dollars dont près de 84 milliards de dollars de remboursement du principal et 34 milliards de dollars pour les intérêts. Que les gouvernants algériens aient bien fait de payer cette dette par anticipation ou non, les plus optimistes vous diront certainement que « celui qui paye ses dettes s'enrichit ».