C'est aujourd'hui qu'est mis en examen, à la cour d'Alger, le dossier des dix familles habitant l'immeuble sis au 14, rue Didouche Mourad (Alger) menacées d'expulsion. Ces familles et l'héritière légitime de cet immeuble, en l'occurrence la fille des Bringoud, sont opposées à Me Saïd Boukhalfa, avocat de profession. L'affaire remonte à 1982 quand Berth Bringoud, citoyenne française, décide de quitter l'Algérie à la suite du décès de son mari. C'est alors qu'elle prend Me Saïd Boukhalfa comme mandataire. Celui-ci ouvre, à l'insu de la propriétaire, un compte départ à la Banque extérieure d'Algérie (BEA) et y verse la somme de 300 000 DA, censée représenter le prix d'un immeuble de 5 étages avec locaux commerciaux sur l'une des plus grandes artères de la capitale. Il réussira à établir, le 18 juillet 1982, auprès d'un notaire, un acte de vente de cet immeuble au profit de ses 4 filles, et ce, au mépris du droit des locataires légalement prioritaires en cas de vente. L'avocat de ces familles tient à signaler que cet acte de vente est intervenu en violation de l'article 1 du code civil : « Celui qui représente une autre personne en vertu d'une convention, d'une disposition légale ou d'une décision de l'autorité compétente ne peut acheter ni directement par lui-même ni par personne interposée, même par adjudication, ce qu'il est chargé de vendre en qualité de représentant, à moins d'y être autorisé par décision de justice. » Mais la wilaya d'Alger exercera, le 31 décembre 1982, son droit de préemption sur l'acquisition de cet immeuble et donc l'acte de vente établi au profit des 4 filles de Me Saïd Boukhalfa devient nul et sans effet. Or, celui-ci réussira à faire signer à la propriétaire une procuration en date du 25 novembre 1984 pour introduire par la suite, au nom de ses 4 filles, une action aux fins d'exécution forcée de la vente de l'immeuble. Ce qui lui coûtera une condamnation par jugement du 4 mai 1992. Curieusement, il obtiendra en date du 21 septembre 1988 une autorisation de vente signée par le wali de l'époque. C'est sur cette base qu'il se fera établir, le 28 décembre 1988 toujours auprès du même notaire, un acte de vente définitif au profit de ses 4 filles. Face à ces pratiques, les 10 locataires de l'immeuble alertent la propriétaire Mme Berth Bringoud qui adressera alors une lettre le 25 mai 1989 au notaire en question. Elle prend le soin également de désigner, le 6 juillet 1989, un nouveau mandataire qui n'est autre qu'un des locataires de l'immeuble. Cela l'a conduit surtout à signer, auprès d'un notaire, une promesse de vente au profit des 10 locataires le 2 mai 1992. Ces derniers obtiennent alors de la chambre administrative de la Cour suprême l'annulation de l'autorisation de vente du wali d'Alger établie en 1982. Pourtant, Me Boukhalfa obtiendra des jugements d'expulsion des locataires le 25 décembre 1993. La propriétaire va alors introduire une action en justice auprès du tribunal d'Alger qui par jugement du 5 novembre 1994 ordonne l'annulation de l'acte de propriété des consorts Boukhalfa et les condamne à payer la somme de 300 000 DA. D'autres jugements interviendront en cascade et aujourd'hui les habitants de l'immeuble sis au 14, rue Didouche Mourad espèrent que la justice leur donnera raison.