Seize familles de la route n°1, Birkhadem - au début, elles n'étaient que trois familles, les Selmoune, Habel et Bendali - sont menacées depuis mercredi dernier d'expulsion des logements qu'elles habitent depuis 42 années. Une mise en demeure de quitter les lieux leur a été destinée le 9 août dernier. Celle-ci devait prendre effet mercredi dernier, en vain. Ce jour-là, l'huissier muni d'une décision d'expulsion de la famille Selmoune n'a pu parvenir à le faire. Le responsable de cette famille, un ancien moudjahid et l'un des premiers locataires de cet immeuble, a opposé un niet à cette expulsion. Revenu hier et accompagné de policiers pour expulser cette fois-ci la famille Habel, l'huissier a été empêché, pour la seconde fois, par les locataires de pénétrer dans l'enceinte des habitations. Les mis en cause ont tenu tête à l'huissier en lui bloquant l'entrée de l'immeuble. Intraitables, ces derniers étaient même prêts à s'opposer par la force à cette expulsion qu'ils trouvent « injuste ». le délai La preuve : certains, sur leur terrasse, étaient prêts à riposter avec un cocktail Molotov dans le cas où les « délogeurs » s'approcheraient de l'habitation, devenue depuis 1992 propriété de l'entreprise Cosider. En effet, l'immeuble en question, composé de bureaux au rez-de-chaussée et de logements au premier étage, a été vendu par les services des Domaines d'Alger à l'entreprise de construction pour la sidérurgie dénommée Cosider en 1992. Dans l'acte de vente, il a été spécifié la vente d'un ensemble immobilier à usage administratif servant de bureaux abritant la direction de Cosider d'une superficie de 444 m2 et d'une parcelle de terrain de 18 220 m2. Mais sans pour autant préciser le fait que l'immeuble était habité. « Cosider qui a acheté sur des faux documents a voulu alors nous chasser de nos logements », soutient M. Selmoune. Après, « nous avons porté l'affaire devant la justice », a ajouté notre interlocuteur. Celui-ci, ne pouvant contenir ses larmes, nous précise qu'« à cette époque, vers 1995, la décision de justice rendue par le tribunal de Bir Mourad Raïs était pourtant en notre faveur ». Cependant, en décembre dernier, suite à un appel fait par Cosider, la décision de justice rendue par la cour d'Alger a tranché pour leur expulsion. Mais pour aller où ? « Les autorités nous ont rien donné en contrepartie », a regretté M. Selmoune. Selon l'huissier en charge de l'affaire : « Suite à la décision de justice rendue en décembre dernier et qui a été notifiée en avril dernier, un délai de 20 jours a été accordé aux familles afin de s'y opposer ou de quitter les lieux, mais quatre mois après, rien. » Le 20 juillet dernier, un avis d'expulsion a été alors décidé. décision irrévocable Ce que les familles rejettent avec force, se considérant être dans leur bien qu'elles occupent depuis 42 ans. Pour le détail, selon un habitant de l'immeuble, Cosider serait entrée en partenariat avec des Libyens pour la construction d'un grand hôtel et d'un centre commercial. Ce faisant, pour revenir à la genèse de cette histoire, les « victimes » de cette expulsion habitaient dans cet immeuble en qualité de locataires et d'employés chez un certain Henssins, un propriétaire français d'une entreprise de fabrication de bennes et de citernes depuis 1962. Quelques années plus tard (vers 1966), l'entreprise Henssins a été nationalisée pour devenir une unité de la société Sonacome qui s'appelait alors l'Entreprise de réalisation industrielle (ERI, ex-Henssins). Selon l'acte de vente des Domaines à Cosider, concernant l'origine de l'immeuble, celui-ci appartient à l'Etat en vertu de l'ordonnance n°66-102 du 6 mai 1966 portant dévolution à l'Etat de la propriété des biens vacants. Cela dit, après cette dévolution, les occupants de ces logements sont restés locataires et travailleurs chez la nouvelle entreprise, Sonacome en l'occurrence, et ce, jusqu'à leur retraite. « Durant tout ce temps, nous avons voulu acheter en frappant à toutes les portes (Domaines, APC et OPGI de Bir Mourad Raïs), en vain », nous a signalé l'un des locataires, exhibant une attestation d'occupation de logement de fonction, sis à la route n°1, depuis 1964. Enfin, à l'heure où nous mettons sous presse, les locataires de cet immeuble peuvent être à tout moment délogés sachant que la décision de justice est irrévocable. « Seul le wali ou le procureur pourrait l'annuler », a soutenu l'huissier, décidé à exécuter la décision.