La priorité pour les Etats-Unis n'est plus la lutte contre le terrorisme, qui est une menace déjà contenue, mais ce qui se passe actuellement en Asie, particulièrement en Chine. C'est en ces termes qu'a schématisé l'amiral français Jacques Lanxade le nouveau contexte international. Intervenant hier à l'hôtel Hilton d'Alger, cet expert membre de la Fondation méditerranéenne des études stratégiques (FMES) a fait remarquer que « le Japon pourrait opter pour la fabrication des armes nucléaires dans l'espace de deux années maximum si la Chine continuait à développer encore ses moyens militaires et rendre fragile la stabilité en Asie ». Cela tout en signalant que Tokyo continue de développer ses capacités d'intervention navales avec l'aide de Washington. Il rappellera que les autorités de Pékin affichent des prétentions « à devenir une puissance dans cette région et même plus ». D'ailleurs, indiquera-t-il non sans un certain regret, « les études d'anticipation n'ont pas pu à temps soulever la montée en puissance économique de la Chine ». Au même titre, l'Inde est considérée également par M. Lanxade comme une sorte de danger dans une partie du monde où, ajoutera-t-il, la détention des armes à destruction massive est une réalité que Washington prend réellement aujourd'hui au sérieux. A la Chine et à l'Inde, s'ajoutent le Pakistan, l'Iran, la Corée du Nord et bien sûr Israël. L'amiral français n'hésitera pas à dire que « la raison principale de l'invasion de l'Irak est de supprimer définitivement la menace sur Israël ». D'où ses craintes que la situation « dégénère en guerre confessionnelle entre sunnites et chiites », avec toutes ses conséquences sur la région du Golfe et du Moyen-Orient. Cela tout en doutant que « le compromis politique soit assez solide » pour installer la stabilité dans ce pays. De la même manière, M. Lanxade citera le cas de l'Iran et la question des armes nucléaires. A ce sujet, il affirmera que « les Etats-Unis ont différé à une date très ultérieure d'attaquer » militairement ce pays, même si Téhéran tient à se prémunir contre ce genre d'invasion à la lumière de ce qui s'est passé chez le voisin irakien. Le scénario est inscrit également sur le registre de la sécurité d'Israël, au point où M. Lanxade rappelle une déclaration du vice-président américain qui avait dit : « Si les Etats-Unis ne le font pas, c'est Israël qui le fera », en parlant d'une éventuelle attque contre l'Iran. C'est par rapport à ces données que l'amiral français considère que le problème en Palestine « conditionne beaucoup de choses au Proche et Moyen-Orient avec toutes les répercussions qu'il a surtout sur la région de la Méditerranée ». Cela l'amènera à identifier trois sortes de menaces pour l'ordre mondial. Ces menaces concernent la prolifération des armes de destruction massive, les disparités dans le niveau de vie entre le Nord et le Sud et, enfin, la montée des extrémismes. Sur ce dernier point,M. Lanxade avoue qu'il n'y a pas que les mouvements radicaux islamistes, mais également des mouvements comme celui « des Evangélistes qui sont derrière l'actuelle administration US ». C'est pourquoi, il craint un choc des civilisations si rien n'est fait pour éviter cet éventuel affrontement. Pour cela, il ne manquera pas de considérer que « la France et l'Algérie pourraient jouer un rôle important » pour rapprocher les peuples. Une occasion pour M. Lanxade, invité de l'Institut nationale des études stratégiques (INESG), d'opposer à la « hard policy des Américains », la « soft policy des Européens ».