Les travaux de la conférence internationale sur le développement des médias, ouverts jeudi dernier dans la ville marocaine de Marrakech, se sont achevés samedi avec l'intervention de nombreux journalistes exerçant dans les pays de l'Europe de Est, dans les républiques anciennement rattachées à l'ex-empire soviétique et dans les Balkans sur les thèmes liés à l'exercice du métier de reporter dans les sociétés fermées et semi-fermées et à la pratique journalistique en situation de crise ou de conflit. La plupart des témoignages apportés révèlent que malgré l'engagement par les pays respectifs de réformes démocratiques, le travail des journalistes demeure difficile et souvent risqué en raison du harcèlement continu des régimes en place et des menaces mort des « oligarchies » et maffias locales. Le topo est, pour ainsi dire, le même dans plusieurs pays d'Afrique. Cela à commencer par la Tunisie, un Etat connu pour être à la traîne en matière de droits de l'homme et de liberté de presse. Le représentant du Syndicat national des journalistes tunisiens, Lotfi Hadji, révélera d'ailleurs que son pays n'offre, actuellement, « aucune condition » pour l'émergence d'une presse indépendante et constitue à tous points de vue « une société fermée qui n'accepte pas la diversité d'opinions ». D'autres représentants de médias africains, en particulier soudanais et zimbabwéens, ont aussi livré des témoignages poignants évoquant les difficultés inhérentes à faire respecter leur droit d'informer à cause des conflits ethniques, raciaux ou religieux. Jan Raath du quotidien The Times du Zimbabwe a rendu compte de la peur dans laquelle le président zimbabwéen, Robert Gabriel Mugabe, a plongé son pays. Un Président qui, a-t-il dit, était prometteur. Bien que ne niant pas l'existence de problèmes entre la presse et le pouvoir marocain, Bachir Znagui, du Syndicat marocain des journalistes, a souligné, toutefois, l'existence d'une liberté de la presse au Maroc. Une liberté dont le caractère, a-t-il dit, est « irréversible ». Les discussions, lors de la dernière journée de cette conférence, organisée à l'initiative de l'Agence américaine pour le développement international (USAID) et l'ONG International Research and Exchanges Bord (IREX), ont porté également sur l'impact des grandes chaînes satellitaires arabes (Al Jazeera, Al Arabiya, Al Hora et Al Moustaqila) sur l'évolution de la pratique journalistique dans le monde arabe et en Afrique du Nord. Lors de ce panel consacré aux médias arabes, l'ensemble des intervenants ont reconnu qu'une chaîne comme Al Jazeera a constitué une alternative à CNN et à la BBC, les leaders américain et britannique de l'information en continu. Une alternative qui a permis de casser le « diktat » télévisuel jusque-là exercé sur les téléspectateurs arabes par les télévisions occidentales. Najib Bencherif, un journaliste d'Al Arabiya, la nouvelle grande chaîne montante arabe, a expliqué, par ailleurs, qu'Al Jazeera a beaucoup contribué à faire évoluer la manière de travailler du reste des télévisons arabes. Néanmoins, il a regretté le fait que la chaîne basée au Qatar se soit laissé tomber dans les mêmes travers que ceux connus par les networks occidentaux, comme ceux consistant, par exemple, à faire à tout prix dans le scoop et le sensationnel. Dans ce contexte, Al Jazeera a été critiquée pour son traitement de la crise algérienne. Un traitement souvent caractérisé, a-t-il été relevé, par une occultation des exactions et des crimes terroristes. En outre, beaucoup se sont interrogés sur l'indépendance de la ligne éditoriale de la chaîne compte tenu de l'appartenance du network à l'émir du Qatar. D'autres ont voulu savoir la raison pour laquelle Al Jazeera ne parle presque jamais de ce pays. Ces remarques, qui ont irrité un journaliste syrien travaillant pour cette chaîne, présent à la conférence, ont en tout cas amené Daoud Kuttab d'Al-Quds TV à souhaiter que la chaîne commence à s'intéresser davantage aux questions liées au vécu des Qataris et revienne à l'information locale.