Après de laborieuses tractations et marchandages qui auront duré trois longs mois, le Parlement irakien a accordé jeudi sa confiance au gouvernement du Premier ministre chiite Ibrahim Al Djaâfari. La configuration du nouveau gouvernement irakien reflète en termes de partage du pouvoir les résultats des élections générales du 30 janvier remportées par les chiites. Dans le nouveau cabinet, les chiites ont raflé la mise en s'attribuant 16 portefeuilles ministériels, suivis des Kurdes avec 9 postes. Les sunnites sont sous-représentés dans ce nouveau cabinet avec 5 portefeuilles dont 3 secrétaires d'Etat. Les sunnites auront à gérer des ministères techniques comme celui du Tourisme contrairement aux chiites qui se sont réservés les ministères de souveraineté même si certains postes ministériels comme la Défense ou l'Energie n'ont pas encore été attribués. Ce n'est que partie remise. On a du mal, en effet, à croire à une autre mainmise que celle des chiites sur ces ministères stratégiques entre tous. Le président du Parlement, le sunnite Hadjem Al Hassani, a tenté d'apaiser les esprits de sa communauté en laissant entendre que des postes parmi ceux non encore pourvus pourraient être confiés aux sunnites. Cinq postes stratégiques sont restés vacants à l'issue de la formation du gouvernement et attendent toujours leurs titulaires. Il s'agit de ceux de la Défense, du Pétrole, de l'Industrie, de l'Electricité et des Droits de l'homme. Par ailleurs, deux postes de vice-Premier ministre n'ont pas encore été attribués. Les nominations pour ces postes très sensibles, particulièrement ceux de la Défense et du Pétrole qui constituent les principaux défis qui interpellent les nouveaux dirigeants irakiens, n'ont pas pu dégager un consensus entre les différentes communautés. Les tractations s'annoncent d'ores et déjà très dures pour transcender les divergences nées autour de la répartition de ces postes qui représentent le cœur même du pouvoir en Irak. Le vote de confiance obtenu à l'Assemblée par le nouveau gouvernement n'a rien réglé de la crise politique et institutionnelle irakienne qui demeure entière. Il est difficile d'imaginer les chiites qui se prévalent de la légitimité populaire au regard des résultats des élections du 30 janvier dernier accepter de se dessaisir des postes clés de l'exécutif au profit d'autres communautés encore moins des sunnites, leurs ennemis d'hier du temps de Saddam Hussein. Le vote de confiance parlementaire du nouveau gouvernement a été accueilli par une vague d'attentats d'une rare violence. La capitale Baghdad et sa périphérie ont été violemment secouées hier matin par neuf attentats à la voiture piégée qui ont fait 19 morts et 71 blessés. A Baghdad, six voitures piégées ont explosé dans des quartiers nord et est au passage de policiers ou de soldats, ou à proximité de bâtiments de la police, faisant au total 14 morts et 57 blessés, dont 35 civils, selon une source proche des services de sécurité. A Madaïen, à 30 km au sud de Baghdad, « ce sont 3 voitures piégées qui ont explosé contre une patrouille de la police, un central téléphonique et près d'un hôpital, faisant 5 morts, dont un policier et 2 commandos du ministère de l'Intérieur, et 14 blessés, dont 5 commandos et 3 policiers », selon la même source. Selon diverses sources sécuritaires ou hospitalières, 3 personnes ont été tuées dans d'autres violences dans le pays, qui ont fait 3 blessés, dont une fillette de dix ans. Le chef présumé du réseau Al Qaîda en Irak, Abou Moussab Al Zarqaoui, a appelé à intensifier la lutte contre les Américains dans ce pays, selon un enregistrement audio qui lui est attribué. Le président des Etats-Unis d'Amérique George W. Bush qui fait face à un mécontentement de plus en plus grandissant au sein de l'opinion américaine par rapport à l'implication des Etats-Unis en Irak et à la gestion désastreuse de l'après-Saddam Hussein s'est montré très optimiste quant à l'avenir de l'Irak en dépit de la situation difficile que vit le pays au plan sécuritaire. Le président Bush a estimé jeudi que le nouveau gouvernement allait « représenter l'unité et la diversité du pays dans les mois à venir ». Il a reconnu néanmoins que cette équipe faisait face à des « défis importants » parmi lesquels la formation des forces de sécurité dans un climat de violence persistante, l'amélioration des services à la population ainsi que l'élaboration d'une nouvelle Constitution. « L'Amérique se tiendra au côté de l'Irak, de ses dirigeants et du peuple irakien dans leurs efforts pour l'avènement d'un Irak démocratique, pacifique et stable », a affirmé la Maison-Blanche jeudi. L'optimisme de Bush est loin d'être partagé par les pays arabes qui demeurent convaincus que la formation du gouvernement irakien ne mettra pas fin aux tiraillements intercommunautaires et à l'instabilité dans laquelle est plongé le pays.