Sur fond d'une violence qui ne se dément pas, les tractations pour la formation du nouveau cabinet restent laborieuses. Une série d'attentats ont été commis en Irak au lendemain d'une déclaration du président américain George W.Bush qui s'est félicité de l'avancée du processus de formation d'une force irakienne de sécurité. Il releva à cette occasion que, pour la première fois, -depuis l'invasion du pays par les armées américano-britanniques-, armée et police irakiennes (155.000 hommes) surpassent en nombre les forces américaines dans le pays, ces dernières étant estimées à quelque 140.000 hommes, alors qu'elles en regroupaient environ 150.000 au début de l'année. Comme une réponse à ce satisfecit du président américain, un double attentat à la voiture piégée à ciblé hier l'académie de police de Tikrit (ancien fief de la famille de Saddam Hussein), faisant, selon un premier bilan établi par des sources hospitalières et policières, sept morts et 37 blessés dont nombre d'entre eux sont des policiers. La veille, de nombreux attentats suicide et à la voiture piégée se sont traduits par une soixantaine de morts et de blessés, mettant en exergue le fait que la violence est maîtresse du terrain, et que la guérilla irakienne continue à tenir le haut du pavé dans un pays toujours en vacance de pouvoir, les politiques faisant traîner en longueur des tractations qui n'en finissent pas. Dans ce climat délétère fait de violence et de massacres relevons l'énième attentat commis (vendredi à l'heure de la prière hebdomadaire) contre une mosquée chiite, attaque qui a fait neuf morts parmi les fidèles et 26 blessés. Ces attentats anti-chiites ont fait sortir samedi de ses gonds le gouverneur de la ville sainte de Najaf, Assad Abou Qalal, dans le même temps responsable au niveau de la principale formation politique chiite, le Conseil suprême de la Révolution islamique en Irak, (Csrii), qui accusa nommément les sunnites d'être derrière cette vague d'attentats anti-chiites, indiquant «Nous rejetons la responsabilité de ces actes sur les membres de la communauté sunnite et nous leur demandons de condamner ces agissements criminels pour qu'on ne soit pas obligés de riposter.» La situation ne manquant pas de se dégrader davantage, le comité des Oulémas irakiens (sunnite) a réagi, hier, dans un communiqué dans lequel le comité affirme: «Nous condamnons ce crime odieux et nous assurons aux alliés des ennemis de la nation qu'ils ne pourront pas briser notre unité, ni diviser nos rangs, quoi qu'ils fassent.» De fait, l'incapacité des politiques à parvenir à un consensus ouvrant la voie à la formation d'un gouvernement d'union nationale, encourage la perpétuation d'un climat d'insécurité qui met l'ensemble du processus de redynamisation des institutions irakiennes en porte-à-faux. Selon des indications de personnalités proches des pourparlers, la formation du cabinet d'Ibrahim Jaafri, Premier ministre désigné, achoppe actuellement sur les exigences des sunnites, regroupés autour du président sortant Ghazi Al-Yaouar, qui demandent un poste de vice-Premier ministre et sept postes ministériels. Ce que chiites et Kurdes estiment exagéré et ne correspondant pas à la représentativité parlementaire des sunnites qui ont, rappelle-t-on, boycotté massivement les élections du 30 janvier dernier. Cette exigence de Ghazi Al-Yaouar intervient au moment où des demandes similaires faites par le Premier ministre sortant, Iyad Allaoui, ont été jugées excessives et ne peuvent être satisfaites par les Kurdes et les chiites, -77 et 146 députés au Parlement (sur un total de 275 députés) respectivement-, qui se sont partagé le gâteau gouvernemental avec respectivement 9 ministères pour les Kurdes et 17 pour les chiites. Aussi, les tractations pour la formation du cabinet Jaafri reste-t-elle très laborieuses butant sur les prétentions des uns et des autres qui mettent a contrario en lumière les difficultés futures auxquelles vont être confrontés le gouvernement et le Parlement irakiens dans la mise au point de la loi fondamentale permanente. De fait, en avertissant, mercredi dernier, que l'annonce du gouvernement Jaafri se fera le lendemain, (jeudi), le président Jalal Talabani s'est montré, à tout le moins, par trop optimiste.