« La tendance actuelle déjà perceptible dans les lignes éditoriales des journaux montre que la presse algérienne est en phase de faire sa mue. Elle est en train de franchir un saut qualitatif où la surpolitisation des faits cède le pas aux réalités économiques. Ainsi, on parle beaucoup plus de l'accord d'association avec l'Union européenne, de l'adhésion à l'Organisation mondiale du commerce, de la balance commerciale, de la privatisation et du partenariat que des élucubrations de tel ou tel responsable politique. »Cette déclaration est de Mourad Ghoualmi, président-directeur général de l'entreprise publique économique Sider-Automation. A elle seule, elle exprime tous les espoirs placés dans les quotidiens d'informations. L'opérateur économique estime également qu'à l'ère de l'internet et des échanges financiers en temps réel, où l'économie l'emporte bien souvent sur la politique, la presse peut être l'aiguillon. Sa constatation est reprise par Salim B., cadre dans une institution et économiste de formation, qui souligne : « L'apport de la presse dans sa mission première d'informer sur la sphère économique de manière générale aspire à contribuer à la recherche d'une bonne gouvernance des affaires publiques et privées du pays. Cette même recherche sous-tend la transparence dans les affaires économiques, le traitement égal pour tous les acteurs concernés et la contestation des écrits admise et publiée. La presse algérienne caractérise une société qui avance vers un développement. C'est un outil qui contribue au développement humain et permet des interactions informatives et productives. » Système d'information Tout en considérant la presse comme un partenaire de premier rang dans le domaine de la communication et de l'information, M. Haddad Khaled, directeur de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) Seybouse, Annaba, a qualifié de partenariat largement ressenti la relation presse- opérateurs économiques-CCI. « La contribution de la presse pour combler les insuffisances des systèmes d'informations économiques est certaine, voire irréfragable. La presse a contribué à accompagner les CCI dans la promotion et le développement des investissements étrangers directs. Elle est pour beaucoup dans l'amélioration de la compétitivité des PME/PMI, la promotion du dialogue et de la concertation et la coopération internationale. » Au département de la communication de la faculté des sciences humaines, université Badji Mokhtar, les étudiants en fin de cycle préfèrent parler du prix des quotidiens d'informations. Selon eux, contrairement à beaucoup d'autres produits de large consommation, ce prix n'a pas décroché depuis des années. Il est resté collé à ses deux compagnons de route : le café et le croissant. « Il faut considérer ce prix sous son aspect strictement économique. Bien que le dollar ait glissé, que l'euro ait battu des records et que le papier ait vu son prix s'envoler, le prix du journal n'a pas changé. Bien qu'ils aient pris conscience des risques que représente une tendance inflationniste, les éditeurs n'ont d'autre alternative que d'attendre et voir venir. » « Des études traitant de la question de la presse et de son environnement direct et indirect, sur les facteurs pénalisant l'édition et la diffusion, comme ceux ayant trait aux charges, sont très rares, voire inexistantes. En 2005 - quarante-trois années après l'indépendance -, le quotidien s'apparente en quelque sorte à un produit de luxe. J'estime que la presse quotidienne nationale bat la cadence devant celle régionale, encore au stade de balbutiement », affirme M. Achour Saïdi, chef de département des sciences de l'information et de la communication, université Badji Mokhtar. Abordant l'aspect des invendus qu'il considère être rarement pris en compte par les éditeurs, ce vieux routier de la communication ajoute : « Ces invendus offrent la possibilité aux éditeurs de situer avec exactitude un certain nombre de facteurs à l'origine des déséquilibres pour les sociétés de presse. » Coûts Il ajoutera : « Rare parmi les gestionnaires de ces sociétés à l'avoir pris en charge pour tenter de réduire son taux. Ceux qui l'ont fait se sont limités à baisser le tirage. Je dois dire qu'écrire sur le rôle de la presse dans l'économie, c'est d'abord penser à faire l'économie des mots qui font voir, croire et agir avec le minimum de mots pleins de sens et de signification. » Au contact des étudiants et des enseignants, l'on semble avoir dépassé la seule question du journal de l'information pour s'intéresser à sa confection, son édition, sa publication et sa distribution. On parle d'absence de réglage des ventes tout en précisant qu'il est incontournable pour les éditeurs. « Cet aspect est rarement pris en charge dans notre pays où se classer en tête de liste des plus forts tirages est une compétition ouverte même si les invendus représentent plus de 45% », considèrent plusieurs buralistes bien implantés dans le circuit. Les économistes de l'université Badji Mokhtar préfèrent, quant à eux, aborder la question des recettes publicitaires. Mostefa M., économiste, affirme que pour certains titres, la faiblesse des recettes publicitaires et l'importance des coûts de fabrication (imprimerie, charges salariales, prix du papier, impôts et taxes, frais d'exploitation...) sont synonymes de mort à petit feu. Dans l'enceinte de l'université de Sidi Amar, l'on s'interroge sur le niveau des recettes publicitaires de la presse quotidienne nationale et de la concurrence induite par l'ouverture de la publicité à la télévision. Au jeu des questions-réponses, ce sont les spécialistes de la communication qui marquent des points face à leurs pairs de l'économie. A l'origine de différentes études, les premiers ont affirmé que les investissements publicitaires sont principalement orientés par ordre de priorité vers la télévision, la radio, la presse écrite et l'affichage. Les mêmes études laissent apparaître que la presse indépendante s'arroge 30% des parts de marché. Un taux en phase d'affaissement au profit de la télévision. Il est cependant précisé que les dépenses totales en publicité se sont nettement accrues depuis 2000. Les principaux secteurs économiques qui investissent dans la presse quotidienne sont la distribution, l'automobile, la communication et les services. En tête de liste, sous d'autres cieux, le secteur du transport occupe, en Algérie, la toute dernière place. Parts de marché Le monopole de l'Agence nationale d'édition et de publicité (ANEP) sur la publicité étatique a été dénoncé comme une mesure de pression exercée sur les quotidiens indépendants. Certes, l'on affirme que si sur le plan politique la presse algérienne n'en est pas encore à façonner l'opinion, sur celui économique et social, elle a son mot à dire. D'autres études appréhendent les risques de dérives, pressions, menaces et intimidations à peine déguisées de différentes institutions de la République. Celles-ci utiliseraient leur poids financier pour tenter d'orienter le contenu rédactionnel d'articles. Les journaux fragiles, car à lectorat réduit, sont les plus touchés par ces comportements. En ce qui concerne la distribution presque inexistante dans les régions du sud du pays, la question de la distribution a été largement abordée. Il a été précisé qu'outre l'insuffisance de la logistique mise en place par les distributeurs, il y a aussi une gestion archaïque de la distribution qui ne permet pas aux éditeurs d'assurer une répartition optimale des ventes.