A défaut de céder du terrain à des chaînes privées dont la présence dans le paysage audiovisuel national est de plus en plus souhaitée par l'opinion publique, l'Unique songe sérieusement à se faire hara-kiri pour pouvoir survivre à l'implacable concurrence étrangère (occidentale et moyen-orientale) qui ne cesse de lui enlever une part d'audience – et de marché – jugée aujourd'hui inquiétante par le premier responsable de l'ENTV en personne. Elle annonce dans cette perspective une série de mesures pour rendre au petit écran sa véritable place dans la société. Dans sa dernière conférence de presse consacrée à la présentation de la nouvelle grille des programmes, HHC, contrairement à ses habitudes, s'est montré en tout cas moins enthousiaste à louer les efforts consentis par l'entreprise qu'il dirige pour répondre à l'attente des téléspectateurs algériens, qu'à reconnaître la difficulté qui existe désormais à affronter la compétition « à ciel ouvert » imposée par les chaînes satellitaires. Le big boss a reconnu une incapacité certaine à développer la télévision nationale si celle-ci persiste dans son fonctionnement actuel, même si elle s'est dotée des toutes récentes générations de matériel technologique. Au niveau de l'ENTV donc, il y a comme un changement de ton qui traduit surtout la mauvaise posture dans laquelle s'est installée notre télévision depuis des années à force d'être maintenue dans un système de communication hermétique, axé sur une tendance fondamentale et jamais remise en cause par les gens du pouvoir : le nombrilisme ! Au demeurant, en se montrant plus enclins à faire le saut qualitatif pour sauver les meubles, les responsables de notre télé savent qu'ils n'ont plus d'autres choix que celui, en fait, de transcender le moule de la pensée unique pour entrer enfin dans l'univers de l'image démocratisée et pluridisciplinaire, voie incontournable et néanmoins salutaire qui permet à ce média dit lourd d'être en symbiose avec les réalités nationales. Mais quelles sont ces nouveautés sur lesquelles on veut reconstruire une télé plus dynamique, plus ambitieuse, plus proche des préoccupations des Algériens ? Si la grille en question semble avoir été conçue pour affiner le côté esthétique des émissions grand public qui ont besoin d'être dépoussiérées, c'est sur le volet ; combien sensible de la politique ; que la direction de l'Unique surprend en annonçant des changements radicaux, comme la rénovation totale des journaux télévisés « qui seront présentés avec plus de professionnalisme », ou encore le lancement de nouvelles émissions à caractère politique avec des débats contradictoires qui donneront naissance « à un nouveau souffle dans la vie politique et sociale du pays ». A la bonne heure, est-on tenté de dire sachant que le petit écran national s'est toujours mordu la queue en persistant, jusqu'à nos jours, à livrer une information politique à sens unique, complètement bridée, au contenu démagogique, et par conséquent, provoquant le désintérêt du téléspectateur algérien qui va souvent s'abreuver à d'autres sources pour savoir exactement ce qui se passe réellement dans son pays. En avouant implicitement que le JT est fait de manière non professionnelle, on ose croire que la direction de l'Unique prend conscience de l'urgence qu'il y a à corriger le secteur certainement le plus déterminant (et en même temps son talon d'Achille) de ses activités et sur lequel toutes ses tentatives de rendre plus attractive la télé ont échoué. Mais est-on vraiment sûr de vouloir (pouvoir ?) changer profondément la nature du journal télévisé qui demeure le miroir par lequel se reflète la vraie gouvernance de l'Algérie ? Pourra-t-on par exemple aller jusqu'à présenter un tout petit résumé du discours présidentiel au lieu de le passer intégralement sur les trois chaînes, alors que dans la plupart des foyers, on est branché ailleurs, de limiter le temps de passage des communiqués officiels à leur juste proportion, de cesser d'ouvrir aveuglement le journal avec les audiences du Président, d'orienter la caméra non plus en direction des officiels mais vers les citoyens, de faire le JT avec de véritables journalistes soucieux d'informer à la place de « lecteurs de dépêches » qui sont là pour amplifier le discours officiel. En somme, va-t-on s'aligner sur les grandes chaînes internationales ou c'est l'information ou l'actualité qui touche le citoyen qui prime. Ce ne sont pas de petites réformettes que l'Unique se propose d'accomplir, mais une véritable révolution dans le champs médiatique de l'audiovisuel qui, ne l'oublions pas, est cadenassé par ailleurs. HHC pourra-t-il mettre à exécution un projet qui risque de mettre à mal une politique de l'information que le pouvoir a voulu immuable ? Autrement dit, verra-t-on bientôt sur notre petit écran, comme l'a souhaité Mohamed Abassa, directeur de l'institut de sondage qui porte son nom, au cours d'une émission en direct, des hommes politiques comme Aït Ahmed ou Benflis venir en toute liberté donner leur point de vue aux Algériens ? L'impensable peut-il devenir réalité ? L'Unique dans cet ordre d'idées, aura-t-elle les coudées franches pour prendre en charge une actualité politique sur laquelle les citoyens veulent avoir des réponses, comme cette guéguerre que se livrent à distance Ouyahia et Belkhadem et qui a poussé Bouteflika à monter au créneau pour remettre les pendules à l'heure. En vérité, les Algériens ne demandent qu'à être informés sur tous les aspects qui touchent directement leur quotidien. Ils veulent une télé dans laquelle ils se reconnaissent, et non pas une boîte à image qui fait la part belle aux officiels. Le défi de faire la grande mue est lancé. Attendons pour voir... NB : Une malencontreuse erreur technique a chahuté la chronique vu à la télé de Aberezak Merad de ce jeudi 1er Novembre dans le supplément TV. Nous reproduisons ici cette chronique, nous nous excusons au prêt de l'auteur et de nos lecteurs