La plaque de marbre apposée sur le mur et portant l'inscription « Maison de la presse Sid Ali Benmechiche » n'attire plus l'attention des passants. Tout comme le bâtiment qui abritait, il y a quelques années, un grand nombre de titres de la presse nationale, comme Algérie Actualité, El Moudjahid, Ech-châab, El Massa, Horizon et APS, l'agence d'information gouvernementale. Cette maison de la presse a été créée juste après les tragiques évènements d'octobre 1988. Elle a été baptisée du nom de Sid Ali Benmechiche, le premier « chahid » de la profession, le journaliste de l'APS, mort alors qu'il couvrait la marche des islamistes et la boucherie qui s'en est suivie, un certain 10 octobre, juste à l'entrée de Bab El Oued. Ce lieu avait connu ses moments de grandeur avant de connaître une descente aux enfers. Aujourd'hui, les Oranais ne sollicitent plus les services des quelques titres encore en place. Les autorités locales ne programment plus cette maison de la presse comme étape à visiter par un membre du gouvernement en tournée à El Bahia. Ils évitent même de regarder dans sa direction lorsque leurs cortèges officiels traversent en trombe la place du 1er Novembre. Aujourd'hui, les journalistes qui y travaillent se sentent honteux devant l'état de dégradation des lieux. Ils préfèrent recevoir leurs invités dehors, dans un café, dans un lieu public ou carrément dans les locaux d'un autre journal. Leur lieu de travail est tout simplement une offense pour leur noble profession et une insulte pour la mémoire du martyr dont cette maison porte le nom. La dégradation de ce bâti, bien de l'OPGI, a commencé avec l'effondrement d'un immeuble mitoyen. Les expertises confirment Les expertises menées, il y a quelques années, par le CTC dépêché par les services de la wilaya, ont révélé que le sol sur lequel repose cet immeuble et toute la zone de la place d'Armes, des boulevards de la Soummam et de l'Emir Abdelkader est traversée par l'Oued Rouina dont les eaux ont sérieusement « rongé » les fondations. La menace est réelle. Les journaux ont fait tout un boucan à ce sujet avant que les choses ne tombent dans l'oubli. Les responsables avaient d'autres préoccupations. D'autres priorités. Ces dernières semaines, même les policiers qui veillaient, de jour comme de nuit, sur les lieux, ont plié bagage. La maison de la presse est livrée à son propre sort, dans l'indifférence la plus totale, à commencer par celle de ses occupants eux-mêmes qui se montrent moins exigeants sur l'hygiène, la propreté des lieux et la sécurité. En témoignent ces odeurs nauséabondes qui se dégagent jusqu'à l'extérieur, les sacs poubelles et les ordures qui s'entassent tout le long des escaliers ou encore les murs décrépis et crevassés qui donnent aux lieux l'apparence d'un bâtiment fantôme. Chacun se contente de se barricader dans ses locaux. Chacun attend que le voisin prenne une initiative ou fasse le premier pas. Il y a plus de deux mois, des supporters de l'USMH, venus accompagner leur équipe de football en déplacement à Oran, avaient « occupé » les lieux durant toute une nuit. Avant de partir, certains d'entre eux avaient forcé les portes d'un bureau pour dérober tous les petits équipements qu'ils pouvaient emporter. L'évènement n'avait en aucun cas suscité une quelconque indignation. Certains expliquent ce mépris affiché par les responsables locaux par une volonté délibérée de pousser les trois occupants de la maison de la presse encore en place - APS, El Moudjahid et El Massa - à quitter les lieux pour s'installer ailleurs, et ce dans le but de récupérer l'immeuble pour le retaper et le céder ensuite au prix fort. L'existence d'un immeuble de trois étages, comportant plus d'une trentaine de bureaux et situé en plein cœur d'Oran, peut susciter toutes les convoitises et représente une bonne affaire à saisir pour les spéculateurs de tous bords. La maison de la presse d'Oran reflète incontestablement la situation dans laquelle se trouve ce secteur dans la seconde ville du pays. Et c'est dommage !!!