La résistance a été le fait d'une minorité, mais elle a pu exister grâce à la complicité de la population. Sans cette complicité, elle aurait été anéantie. Devoir de mémoire. C'est sur cette base que Khaled Oulbsir et Youcef Aggoune souhaitent réinterroger, aujourd'hui, le rapport entre médias et histoire et cherchent à mesurer la responsabilité et les enjeux de chacun sur ce sujet. Désireux de porter ce débat au-delà des sphères professionnelles et institutionnelles afin d'alerter le plus grand nombre sur un sujet qui nous concerne tous, mais aussi pour tenter de restaurer le dialogue entre les médias et les témoins. Que la conscience soit en paix. Le film documentaire retraçant l'épopée du journal El Moudjahid celui du combat libérateur du peuple algérien. El Moudjahid, de Khaled Oulbsir et Youcef Aggoune, a été projeté en avant-première, mercredi à Alger, dans le cadre de la manifestation culturelle «Alger, capitale de la culture arabe 2007». D'une durée de une heure 44 minutes, ce documentaire a réussi à captiver l'attention d'un important panel composé d'acteurs de cette épopée de la presse de combat et d'autres hommes de culture. Le film reproduit les témoignages de 18 acteurs du périple d'El Moudjahid, depuis sa création, en 1956, à Alger, en plein événements de la guerre de Libération nationale, en passant par Tétouan au Maroc, où il est allé rejoindre le journal Résistance, créé sur ordre du défunt Boudiaf Mohamed et tenu par Ali Haroun, pour atterrir en Tunisie. Dans un ordre chronologique, les témoignages se suivaient dans le documentaire, sous les sollicitations du producteur de l'oeuvre, Youcef Aggoune, coconcepteur du produit avec le réalisateur Khaled Oulbsir, sous le regard de l'historien, le Dr Zahir Ihaddaden, un des acteurs de la 2e édition d'El Moudjahid à Tétouan et conseiller scientifique des promoteurs de ce produit. Ce documentaire qui a le mérite de reproduire les témoignages d'un nombre important d'acteurs dans la confection du journal, à savoir les comités de rédaction des deux éditions, arabe et français, a retracé le début de cette épopée, à partir d'Alger, pour prendre en charge les questions liées à la propagande et l'information, juste avant le congrès de la Soummam. A ce sujet, le documentaire expose les témoignages de Mokhtar Oumara, un agent de liaison de la direction de la révolution à Alger, et qui avait abrité, pour une période relativement longue, des personnalités historiques en citant Saâd Dahlab, Benyoucef Benkhedda, Larbi Ben M'hidi et Abane Ramdane et à quelques occasions, Krim Belkacem. Avec de minutieux détails, le film s'attarde en outre sur les témoignages des dactylographes, Nassima Hablal et Bouzekri Izza, veuve de Abane Ramdane, ainsi que sur ceux des militants qui ont hébergé le tirage de 7 numéros d'El Moudjahid, à l'image du defunt Mahmoud Agha Bouayed, la famille Benouniche, Abdelhakim Benchikh, et Evelyne Lavalette qui a joué un rôle dans les perpétuels déplacements du matériel ronéo d'El Moudjahid, qu'elle avait domicilié au presbytère de l'église Sainte-Croix, dans la haute Casbah, tenue à l'époque par l'abbé Declerq. Le 7e numéro étant saisi par les autorités coloniales, après le quatrième numéro dans lequel les résolutions du Congrès de la Soummam ont été reprises, les tâches relatives à la rédaction du journal et son tirage ont été expatriées, sous les ordres du Comité de coordination et d'exécution (CCE), la plus haute instance exécutive de la Révolution issue du Congrès de la Soummam. Vient ensuite l'unification des deux titres Résistance algérienne et El Moudjahid, sous le seul titre El Moudjahid, comme organe central du Front de libération nationale, avec deux éditions, arabe et français, l'une sous la direction de Rédha Malek et l'autre sous la direction de El Milli, qui refusaient dans leurs témoignages l'appellation de direction, lui préférant celle de coordination. L'équipe rédactionnelle commençait à prendre de l'ampleur avec la participation de noms illustres, à l'image de Mohamed Sadek Moussaoui, décédé cette année et l'une des chevilles ouvrières dans la création, à Tunis, en décembre 1961, de l'Agence algérienne de presse (APS), Frantz Fanon et Zahir Ihaddaden, Pierre Chaulet (qui rejoindra l'équipe rédactionnelle en Tunisie), Lamine Bechichi, Abdellah Cheriet, Mezhoudi, Ahmed Boumendjel et d'autres. Le numéro 11 d'El Moudjahid fut tiré en Tunisie, après le déplacement d'une partie de l'équipe rédactionnelle de Tétouan, selon le témoignage des acteurs, sur ordre de Krim Belkacem. «Le journal commençait à prendre de l'ampleur», selon les témoignages reproduits dans le documentaire, ce qui lui a valu des désagréments, notamment les tentatives d'imitations, en produisant des faux numéros, oeuvre des spécialistes des services psychologiques du 5e bureau de l'armée coloniale. D'autres détails ont été donnés par les témoins et les acteurs, sur le tirage du premier numéro d'El Moudjahid, juste après le cessez-le-feu, à Constantine, par El Mili sur ordre de M'hamed Yazid et le tirage d'El Moudjahid en langue française, durant la même période, au niveau de l'imprimerie portant le nom de la famille Zaragozy, à Blida. Le producteur de cette oeuvre, Youcef Aggoune, a indiqué que «la richesse des témoignages, ainsi que les moult détails qu'ils renfermaient, l'avaient obligé à n'en reprendre que la quintessence». L'histoire du moment étant les prémices de l'histoire à venir, on ne peut pas être un citoyen plein et entier si l'on n'a pas la mémoire de l'histoire, à partir de laquelle on peut se déterminer, car un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir.