Le Président Abdelaziz Bouteflika a pris part, hier, à la cérémonie d'ouverture, au Palais des nations (Alger), du 10e congrès de l'Association internationale de recherche interculturelle (ARIC), qui s'étalera jusqu'au 6 mai. Devant les membres de l'ARIC, des chercheurs, des universitaires, le corps diplomatique et son gouvernement « relooké », le premier magistrat du pays a prononcé un discours truffé de rappels historiques, nécessaires, selon lui, pour comprendre l'« interculturalité ». D'André Mandouze et Mgr Duval à Jacques Vergès, citant au passage Frantz-Omar Fanon, le Président a tenté de donner une définition à ce concept « à géométrie éminemment variable ». Poursuivant sa réflexion, non sans insister sur son islamité, le chef de l'Etat a exprimé la différence existant entre « cultures et savoirs ». Pour lui, ces deux variantes ne peuvent être classées dans le même registre, en dépit de leurs « connexions patentes ». « Le temps des cultures n'est pas celui des savoirs », a-t-il indiqué, laissant les chercheurs méditer. Le premier responsable du pays n'a pas manqué l'occasion pour faire part de ses « inquiétudes ». « Il me semble que la chaîne des hommes et des femmes, ponts entre les deux rives de la Méditerranée, est en train de se rompre, que la rive Nord ne produit plus d'individualités historiques porteuses d'une interculturalité généreuse et exigeante, tandis que les rares voix qui subsistent au Maghreb, en particulier celle de Fatima Mernissi et de Mohamed Talbi, rencontrent peu d'écho et induisent peu de débats féconds sur chacune des deux rives et entre les deux rives », a-t-il soutenu, avant de souligner le risque « effectif que courent les sociétés maghrébines, la société algérienne en particulier, est celui d'une occidentalisation sans modernisation, celui d'une indigénisation qu'elles avaient su et pu conjuguer à l'époque de la domination coloniale ». Rejetant la fatalité de l'uniformisation par « la démocratie du marché » chère à Fukuyama et le « fameux choc des civilisations », le Président attestera que « le pire peut certes toujours advenir, mais il n'est jamais le plus sûr ».