La presse allemande est en crise. En 2002, le chiffre d'affaires de l'ensemble des médias a connu une baisse jamais égalée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945. Il n'a pas dépassé les 10 milliards d'euros. Les annonceurs désertent les journaux. La presse électronique gagne des espaces. Axel Springer, le premier grand éditeur européen, et qui publie, entre autres, le quotidien populaire Bild, a supprimé des postes de travail. Autre grand groupe, Handelsblatt, spécialisé dans l'économie, a réduit de 10% son personnel. Frankfurter Allgemeine Zeitung, journal à réputation établie, basé à Francfort (sud de l'Allemagne), édité par la fondation FAZ, connaît des difficultés. Il tente de s'adapter tant bien que mal. Cette publication demeure une référence. Hans Christian Rossler, journaliste à la rédaction politique, explique la situation qui prévaut au sein du Frankfurter et donne des éclairages sur l'état de la presse allemande. Quel est l'état des lieux de la presse allemande ? Subit-elle la même crise que connaît la presse européenne ? La presse allemande est en crise depuis 2001 plus ou moins. Le problème le plus grave ne concerne pas tellement la défection de lecteurs - l'Allemagne est toujours un pays où les quotidiens régionaux ainsi que les journaux sérieux nationaux ont beaucoup d'abonnés. Ce qui pose un véritable problème, c'est le manque de publicité. Pour raison de la crise économique, les entreprises ont réduit leur budget de publicité. Pour cette raison, la plupart des journaux ont subi les prix du journal, ce qui évidemment n'aide pas à trouver de nouveaux lecteurs. Comment s'adapte votre journal à cette situation ? Et quelle est sa place dans la presse allemande ? Le Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) est un des deux plus importants quotidiens « sérieux » nationaux d'Allemagne, avec de larges sections consacrées à la politique, l'économie, la culture et les sports ainsi que de nombreux suppléments hebdomadaires. Il est considéré comme un journal conservateur. Notre objectif est de continuer à être le journal de référence plus important du pays, même si on a dû réduire le nombre de pages et de rédacteurs. Y a-t-il une défection des lecteurs ? Si cela existe, quelle en est la raison ? Effectivement, il y a une certaine défection de lecteurs qui résulte du fait que notre journal a beaucoup de lecteurs âgés et qu'évidemment nous ne trouvons pas assez de jeunes lecteurs. En même temps, notre édition du dimanche, créée seulement en 2001, a déjà trouvé environ 310 000 lecteurs, dont seulement une minorité s'est abonnée au quotidien même. Les journaux sont-ils concurrencés par les médias électroniques (Internet) ? Certainement, il y a une certaine concurrence. Cependant, on n'a pas conclu qu'avec l'introduction de l'internet, on ait vendu moins de journaux. L'important est de faire en sorte que les analyses profondes offertes par le journal soient complémentaires aux nouvelles transmises par les différents médias électroniques. Comment expliquez-vous que Die Welt, qui est un journal people, soit le plus lu dans le pays alors que d'autres journaux sérieux n'ont pas cette chance ? Ce n'est pas Die Welt, mais le journal Bild, auquel vous faites référence. Il est très populaire, car il est toujours proche du « simple » peuple. Evidemment, les articles sont courts, il n'y a aucune séparation entre articles et commentaires. Parfois, c'est frustrant de voir qu'avec un tel journal, on peut attirer autant de lecteurs... Existe-il en Allemagne une concentration des médias aux mains des groupes ? Cela est-il un danger pour la liberté de la presse ? Effectivement, il y a un processus de concentration dans le monde des médias. Cependant, ce ne sont pas (encore ?) tellement les géants internationaux qui s'achètent les journaux allemands, mais plutôt des groupes régionaux et nationaux du pays. Des groupes comme Springer (Bild, Die Welt) ont la réputation de poursuivre une certaine politique (conservatrice) dans toutes ces rédactions, d'autres groupes comme Holtzbrinck (Die Zeit, Handelsblatt, Tagesspiegel) ont la réputation de ne pas trop interférer dans la ligne éditoriale de leurs journaux. Normalement, les journaux allemands ne soutiennent pas ouvertement un certain parti politique avant les élections, comme cela se fait en Grande-Bretagne, par exemple. Le Frankfurter Allegemeine Zeitung a la chance d'être toujours indépendant : notre propriétaire est une fondation qui a comme seul objectif de publier le journal.